30 juin 2006

Sexualité et sacramentalité


Pour devenir une union sacramentelle complète, l'amour entre un homme et une femme doit embrasser tous les aspects de leur vie – chaque niveau et chaque potentialité de leur être. Cela inclut l'aspect physique, spirituel, émotionnel, intellectuel de la nature humaine. S'il n'en est pas ainsi, la relation reste inconsommée et inachevée, ni sacrée, ni sacramentelle ; elle devient aussi bien handicapante que frustrante.
Si l'un des partenaires se développe (sur un plan ou sur un autre) au-delà de l'autre ou sur un autre rythme, ce niveau non consommé ou qui n'a pas trouvé de réponse chez l'autre, cette partie restée sans complémentarité, non réalisée, aura toujours tendance à chercher à s'exprimer sous une autre forme ; elle sera incapable de fonctionner normalement et pleinement à l'intérieur du mariage.

Si l'intégrité et la totalité sont les conditions cruciales d'une relation sacramentelle, il en va finalement de même pour la continuité et l'engagement. La capacité de se transformer l'un l'autre demande que l'on s'y consacre, avec patience, jusqu'à ce que les angles aigus des rocs durcis de la relation soient adoucis, jusqu'à ce qu'un champ magnétique soit construit à tous les niveaux. Alors chaque niveau, l'un après l'autre, se déploie et agit l'un sur l'autre, et libère des potentialités qui ne sont rien moins que divines.

Dans ce contexte, la fidélité dans la relation est un reflet de la propre nature de Dieu, longanime et plein de miséricorde. En dernière analyse, ni le mari ni la femme ne s'approprie ce que l'autre offre. Au contraire, chacun l'offre en retour – en même temps que son propre être – à la source de toute vie, à Dieu, que chacun de nous vient contempler, et rencontrer, et aimer dans l'autre, exactement comme nous le faisons dans la liturgie eucharistique. L'homme et la femme deviennent le pain et le vin de l'eucharistie.
Alors l'amour sacramentel devient bénédiction, conférée par le Créateur à deux créatures qui ont parcouru le même cours de la vie à travers les obstacles ou joies auxquels il a pu les amener. Et c'est ainsi qu'ils entreront, transfigurés, dans le Royaume de Dieu.


Extraits d' AMOUR, MARIAGE ET SEXUALITÉ
du père Jean Chryssavgis
et pour approfondir :

29 juin 2006

Mariage




Paradoxe de l'état de séparation et de proximité en amour

Vous êtes nés ensemble, et ensemble vous serez à jamais.
Vous serez ensemble quand les ailes blanches de la mort éparpilleront vos jours.
Oui, vous serez ensemble dans la mémoire silencieuse de Dieu.
Mais qu'il y ait des espaces dans votre unité.
Laissez les vents des cieux danser entre vous.
Aimez vous l'un l'autre, mais ne faites pas de l'amour un lien.
Qu'il soit plutôt une mer mouvante entre les rivages de vos âmes.
Emplissez l'un l'autre vos coupes, mais ne buvez pas à une seule coupe.
Donnez à l'autre de votre pain, mais ne vous nourrissez pas de la même miche.
Dansez et chantez ensemble et réjouissez-vous, mais que chacun permette à l'autre d'être seul. Comme les cordes d'un luth sont seules, bien qu'elles frémissent à la même musique.
Donnez votre cœur, mais sans le mettre sous la garde l'un de l'autre.
Car seul l'orchestre de la vie peut contenir vos cœurs.
Et tenez-vous debout ensemble, mais pas trop près ensemble.
Car les piliers des temples sont distants l'un de l'autre.
Et le chêne et le cyprès ne poussent pas dans l'ombre l'un de l'autre."

"Mariage" de Khalil Gibran

L'amour est art





Les êtres humains sont faits pour s'aimer et se regarder l'un l'autre
Le but de cet art de l'amour – comme dans l'iconographie – est de se transfigurer l'un l'autre, de se voir l'un l'autre comme la manifestation du divin Bien-aimé.


Saint Macaire d'Égypte, pour évoquer sa vision de l'enfer, parlait de deux personnes liées dos-à-dos, qui jamais, de toute éternité, ne pourraient se voir face à face. L'amour brise les chaînes de la solitude ; il fait s'écrouler les murs de l'égoïsme. Nous ne sommes jamais plus puissants que quand nous sommes, par amour, vulnérables.

Sans sexualité, il n'y a pas de beauté ; sans beauté, il n'y a pas d'âme ; et sans âme, il n'y a pas de Dieu. Homme et femme il les créa (Gn 1,27). C'est ce qui nous est dit immédiatement après la création d'Adam et Ève à l'image et à la ressemblance de Dieu. Pour les Pères orientaux, sans Ève, Adam est incomplet. « La femme est faite en pleine communion avec l'homme : partageant chacun de ses plaisirs, de ses joies, chaque bonne chose, chaque chagrin, chaque douleur » (saint Basile le Grand), « partageant avec lui la grâce divine elle-même » (Clément d'Alexandrie). Écrivant exactement à la même époque que saint Augustin d'Hippone, saint Jean Chrysostome revendique que « l'amour sexuel n'est pas humain ; il est d'origine divine ».

Icône ou idole Certes, il est difficile pour quelqu'un de prendre conscience de la sexualité (de son corps) sans prendre conscience de la sexualité (des corps) des autres. Et ainsi, dans l'union du mariage, l'homme et la femme s'offrent l'un et l'autre à l'image de Dieu dans l'autre personne. Cela n'est pas sans lien avec la rencontre qui se produit dans le cas de l'icône. L'iconographie implique un art. Le mariage, de la même façon implique un art. L'amour n'est pas simplement un acte ; il est art. Le but de cet art de l'amour – comme dans l'iconographie – est de se transfigurer l'un l'autre, de se voir l'un l'autre comme la manifestation du divin Bien-aimé.

S'il y a place pour les icônes dans l'Église, il y a place également pour le mariage et l'amour sexuel. Le corps et l'amour sexuel sont semblables à une icône qui ouvre à la beauté divine et à l'amour divin : « Bénie est la personne qui est arrivée à un amour et à un désir de Dieu semblables à ceux d'un amant fou pour la bien-aimée, générant le feu par le feu, l'éros par l'éros, la passion par la passion, le désir par le désir » (saint Jean Climaque). Voir l'autre comme icône, c'est voir le monde par les yeux de Dieu. C'est abolir la distance entre ce monde et le monde à venir ; c'est parler, sur cette terre et à cette époque-ci, le langage du ciel et du temps à venir ; c'est révéler la dimension sacramentelle de l'amour. Selon une parole apocryphe de Jésus : « Le Royaume des cieux est rendu manifeste quand deux personnes s'aiment ». L'icône nous apprend un autre mode de communication, au-delà du mot écrit ou parlé. On nous apprend non pas à regarder les icônes, mais à regarder à travers elles. De même, nous sommes appelés à pénétrer la surface de la personne que nous aimons, et à révéler la profondeur sacrée qu'elle recèle. En fait, le thème de la procréation est directement lié à cette notion d'icône. À moins que l'amour conjugal n'ouvre le couple au-delà de lui-même, à moins que la relation des deux dans le mariage ne reflète la relation de la Trinité, à moins que l'amour du couple ne s'élargisse d'une façon ou d'une autre, l'amour conjugal, l'icône qu'il est appelé à être, se réduit à une simple idole. Le couple qui s'aime est en tout temps appelé à avancer au-delà du reflet mutuel de l'un dans l'autre ; un miroir n'est pas une icône, mais le reflet de soi-même. Le couple est appelé à devenir une icône de l'Église, une « Église en miniature ». Les dimensions de l'Église révèlent les dimensions du couple marié. De même que nous croyons « en l'Église une, sainte, catholique et apostolique », le couple lui aussi devrait refléter cette même unité, sainteté, plénitude et apostolicité. Cela est important, car l'Église refuse les représentations idéalisées ou romantiques de la vie mariée et de la famille. Ainsi, le couple doit « avoir une progéniture » ; l'amour doit « porter des fruits !. Le paradoxe est là : le couple doit avoir des enfants, même s'il ne peut avoir d'enfants.

d'après AMOUR, MARIAGE ET SEXUALITÉ
par père Jean Chryssavgis

Remettre sa vie en route



Comme un trésor dans un vase d'argile,
nous portons en nous la source de notre bonheur.

De nombreux témoignages mettent en lumière cinq lois de vie gravées en nos coeurs :

  • renoncer à la connivence avec la mort ;
  • accepter la condition humaine et se reconnaître enfant bien-aimé de Dieu ;
  • laisser émerger son désir authentique et découvrir sa tâche unique ;
  • développer son unité intérieure ;
  • accueillir les dons de la joie et de la fécondité.

Ainsi chacun peut quitter les chemins mortifères, remettre sa vie en route et devenir le temple du Dieu vivant.

Tout ce qu'Il vous dira, faites-le

"Tout ce qu'Il vous dira, faites-le"


La Vierge de Philerme


23 juin 2006

L'arbre cosmique




Moi, je ne suis qu'une petite fleur sur une branche de cet arbre. Mais cet arbre ne m'est pas étranger ; il est mon fondement. Je lui appartiens. Prier pour le monde entier, c'est prier pour cet arbre dans sa totalité, avec ses milliards de fleurs.



d'après "De Vie et d'Esprit"
Archimandrite Sophrony






Tout homme a en lui l’histoire entière de l’humanité. Dans le Talmud, il est dit que chaque être humain est le héros d’un drame cosmique, qu’il le sache ou non ....


C’est la vertigineuse question de Dostoïevski dans Les frères Karamazov : « Quand tu vois le crime qu’a commis ton frère, la première question doit être : “Qu’ai-je fait de travers, pour qu’il en arrive là ?” ... ou que n’ai-je pas fait ? »

De l'amour souffrance à l'amour accompli ...


"Une seule expérience forte d'amour passionné
nous fera avancer beaucoup plus loin dans la vie spirituelle
que le combat ascétique le plus ardu"
Qu'est-ce qu'un autre ? Ce qui n'est pas même : ni moi ni comme moi.
L'autre m'échappe. Au-delà de moi, ne pouvant être compris dans les limites de mon savoir, il est mystère.
L'amour est un oui sans condition au mystère qu’est l’autre. Autrui n'a pas à être comme moi ni comme je veux qu'il soit : il n'a pas à correspondre à mes attentes. La première étape pour apprendre à aimer est donc de lâcher ses attentes. Celles-ci sont fondées sur le manque. Il y a en nous, gravée au coeur de notre chair, une souffrance qui correspond à tous nos manques passés. Les attentes nous projetons sur les autres sont des stratégies de soulagement de cette souffrance : nous voyons en l'autre l'objet qui va pouvoir nous combler.

Nous avons tous de multiples carences affectives, car le manque est inhérent à la condition humaine. Nos attentes, nos projections sur autrui témoignent d'un refus de cette sensation de manque. C'est ainsi que nous posons des conditions à notre accueil d'autrui : « soit-elle que mon manque est soulagé ». Ainsi, nous conditionnons ce dernier qui, pour se sentir aimé, doit se conformer à notre projet sur lui - donc cessé d'être lui-même.

Le simulacre de l'amour est une prison qui fait d'autrui l'otage de nos propres besoins, ce qu’il ne peut accepter quand nous enchaînant de la même manière. Aimer c'est d'abord libérer l'autre de nos refus d'éprouver le manque et la souffrance. Apprendre à aimer exige d'être impitoyable avec soi-même.

L'amour accompli à deux faces :

La plus connue est sa face féminine, l'accueil inconditionnel : « Qui que tu sois, quoi que tu fasses, je t'accueille, mon amour t'est donné. » C'est bien sur l'essence de l'amour maternel, mais la polarité féminine de l'amour accompli se rencontre également en toute femme qui aime ainsi qu'en tout homme.

Moins connu est la face masculine de l'amour accompli. À l'instar de son homologue féminin, elle consiste dans un oui inconditionnel à l'autre. Mais ce n'est pas le même oui. Non pas accueil, mais désir inconditionnel de l'autre, ce n'est pas un oui de réceptivité mais d'action. Sa formule est : « Qui que tu sois, deviens le ! ». C’est l’amour exigence, celui qui somme l'autre d'être digne de lui-même : « Cet être que tu es, ce mystère que je ne connais pas et qui t'échappe aussi à toi-même, je veux l’éprouver, je veux que tu me le donnes et que tu le donnes au monde. » C'est l'amour du père et le fondement de l'autorité paternelle authentique. C'est l'amour du véritable maître, s’il en est. Et c'est une dimension qui existe au coeur de tout véritable amour - raison pour laquelle celui-ci n'est jamais de tout repos !
Celui ou celle qui même véritablement sera toujours sans pitié pour mes masques, mes tiédeurs et mes échappatoires, tous ce qui m’empêche de vivre et d'accomplir la vérité profonde de mon être.

Le désir inconditionnel sans l'accueil inconditionnel est dureté, ce n'est plus de l'amour, car il n'y a pas de compassion pour les faiblesses de l'autre.
Mais l'accueil inconditionnel sans exigence du véritable désir est un confort régressif qui étouffe la vie.

Ainsi peut-on imaginer que l'amour divin est indissolublement masculin et féminin.
d'après Denis marquet.

22 juin 2006

Le langage de Dieu est le silence







" Salut, foi du silence des orants "

Ce qui veut dire : Toi, Mère de Dieu, qui es l’objet de la foi, qui es confiance, assurance de ceux qui prient en silence, des hommes silencieux, c’est toi l’écoute du silence de ceux qui prient. Et, tu es confiance et assurance des hommes silencieux, car tu es le vécu du silence, et de ce fait, la compréhension du silence de ceux qui prient. Il faut avoir vécu le mystère du silence pour avoir une oreille sensible au silence de l’autre ; de même que, pour vivre le silence, il faut avoir touché au mystère de la Divinité, avoir contemplé des visions, avoir approché les drames humains de très près, au point d’en faire son propre vécu, et les avoir partagés en compassion. Seule notre propre Nation, ainsi que son Église, en leurs meilleurs moments, ont pu concevoir et exprimer, dans la profondeur sans apprêt de ces quelques mots, le mystère du silence de la Mère de Dieu et de la relation intérieure de celui-ci avec le silence des fidèles, de par l’état constitutif même de ces silences.






" Salut, foi du silence des orants "

Effectivement, mes frères, la foi du silence de ceux qui prient, à savoir la Mère de Dieu, est la personnification du silence. Quelle est la vie de la Mère de Dieu ? Un vaste et profond silence. La Très-Sainte Mère de Dieu a très peu parlé. Les Évangélistes nous ont conservé quelques paroles seulement, mesurées, prononcées par elle ; la plupart d’entre elles, qui plus est, ont été dites avant la naissance du Christ. Par la suite, tout est plongé dans un grand silence. Et comment pourrait-il en être autrement ? La Très-Sainte Mère de Dieu a prononcé, en son incarnation, le Verbe unique, celui prononcé une fois pour toutes, le seul, "le Verbe " qui " était au commencement ", celui qui " était auprès de Dieu ", Dieu le Verbe qui est. Que dire, après Lui ? Que dire, au-delà de Lui ? Que pouvait-elle dire, de plus que Lui ? Quoi d’autre, sinon le silence. En outre, c’est elle qui, sur cette terre, a porté ce que nul être, nulle existence humaine n’a jamais porté. Elle a porté, en son sein et dans ses bras, le feu de la Divinité. Que dire, et comment le prononcer, après un vécu à ce point inexprimable et inexplicable ? Quoi d’autre, outre le silence ? Vous êtes-vous, parfois, imaginé ce côté terrible de l’expérience de la Mère de Dieu, porter Dieu sur elle ? Vivre avec Dieu ? Se mouvoir, jour et nuit, avec Dieu ? N’être hors de Sa présence, ne serait-ce qu’une seconde et, qui plus est, de sa présence incarnée, tangible ?

Quel autre discours, plus que celui du silence, pourrait se montrer digne de ce mystère ? J’ajoute encore à cela, mes frères, que ce vécu paradoxal, être en même temps Vierge et Mère, a été le privilège unique de la Mère de Dieu. Et quelque chose de plus que cela : être une Mère hors de la raison humaine, celle dont la maternité touche au seuil du tragique. J’entends par là ce sentiment qu’elle éprouve : ce beau nourrisson qu’elle porte dans ses bras, cet enfant de toute beauté, est son enfant, et, en même temps, non, il n’est pas le Sien, il est le Fils de Dieu. Elle éprouve, au moment même de la plus grande tendresse maternelle, celle d’une mère comme toute mère, ce sentiment, étrange mais avéré : Son enfant part de Son sein, il s’en éloigne, il s’étend, il est Celui qui n’a point de lieu, c’est elle le lieu de Celui qui n’a point de lieu, " Plus-vaste-que-les-cieux ". Elle pose son regard sur le tendre regard enfantin de Jésus et, à cet instant même où elle l’y plonge, elle voit cet œil enfantin, qui, à première vue est joie et toute-lumière, prendre un autre aspect, devenir l’Œil de Celui qui voit tout, Son Dieu, Son Créateur. Je ne m’aventure guère davantage dans le drame de la Passion, comme dans le Mystère de la Croix, comme dans le Miracle de la Résurrection, ou encore la redoutable sérénité de l’Ascension ainsi que le feu de la Pentecôte. Tout conduit au même constat et à la même confession.

Quel autre être peut-il donc résister à cette grande épreuve : être si proche, si familier de Dieu, ainsi que l’a été la Très-Sainte Mère de Dieu, être, à ce degré, face à face ? Quoi d’autre peut-il résister à cela, sinon l’éblouissement, la contrition et le silence ? Plus nous approfondissons, nos frères, le Mystère de la Très-Sainte Mère de Dieu, d’autant plus clairement contemplons-nous et entendons-nous le discours du silence. Et non seulement cela ; nous découvrons même le divin dans le silence, dans la relation de Celui-ci à la création, sa relation à tout ce qui, en notre vie, comporte profondeur et grandeur. Cela est vrai ! Que de fois Dieu n’est-il pas silence ou encore, ne rend-il sa présence manifeste, présence que nous ressentons et entendons, dans le silence ! Jésus, que d’autre était-il donc, par-devant Pilate, sinon un grand silence, au moment précis où l’intellect devenu plus subtil du Préteur Romain, plein de curiosité et d’ironie fine, lui a posé la question : " Qu’est-ce que la Vérité ? " (Jn 18,38).

Et Jésus gardait le silence.

Le silence suit Dieu et accompagne la création. Le silence répand son charme sur le ciel constellé d’étoiles, sur la nuit, au-dessus des fleurs. Le silence couvre la terre, au moment où celle-ci tisse le printemps en son sein. Silence devant la grande joie ; silence aussi devant la peine profonde. Le silence descend en même temps que le rideau dans la chambre mortuaire de la personne que nous aimons. Le silence accompagne la sérénité intérieure ; il entoure la " lumière incréée ", élève l’homme spirituel jusqu’aux hauteurs de la prière du cœur. Le silence garde la porte du saint, la veille du sage, la décision du vrai martyr. C’est derrière le silence, et sous son couvert, que les grandes heures de l’Humanité sont préparées et accomplies. C’est dans la région du grand silence que se trouve, au demeurant, la plus grande partie de l’Humanité historique. Il s’agit de ceux qui se sont retirés de l’espace du discours.

C’est le silence de l’éternité.

En y prenant garde, nous voyons, que le silence est le compagnon de toute valeur d’importance en la vie. C’est le silence de la sainteté, le silence de la sagesse, le silence de la générosité, le silence de l’endurance, le silence de l’amour et le silence du sacrifice. Ô combien actuel est, pour nous, ce soir, ce rappel du silence saint par la silencieuse Mère-de-Dieu et, à quel point, son message nous est-il nécessaire en cette heure critique. Nous sommes à l’heure des paroles, par excellence. À l’heure des paroles nombreuses. Des paroles sans apprêt. Des paroles de vil prix. Des paroles que l’on achète. Et, vous savez que la contre-valeur de ces paroles, viles et en furie, est d’un grand poids et d’un grand prix. Elle est payée de la monnaie d’or du silence des autres. Elle est rachetée par la mise en vente et la perte de ce que nous avons de précieux. Autour de nous sont lancés et circulent des slogans sans apprêt, lesquels corrompent toute conception et avilissent les idéaux les plus sacrés. L’image de l’heure présente, telle que l’a décrite un sage contemporain parle d’elle-même. Elle ressemble, a-t-il dit, à la vitrine d’un magasin ; des objets de grand prix comme des objets à vil prix, y sont exposés, mais, la nuit, la main de quelque escroc habile, a changé les écriteaux indiquant les prix ; il a attribué les prix élevés aux objets de peu de valeur, et les prix bas aux choses chères. Dans un désordre tel des choses, nous devons résister à la tentation de la parole facile et pénétrer dans le domaine du silence, afin d’entendre la voix de Dieu, la voix de notre conscience, la voix de l’Histoire, celle de nos malheurs et de nos fautes du passé, et de pouvoir prêter l’oreille aux pas des événements qui viennent.


Voilà pourquoi, au lieu de proclamer, comme de coutume, la Parole de Dieu, j’ai préféré vous parler du Silence de Dieu. Cela, pour une autre raison encore. Pour le silence des orants. Les hommes silencieux sont nombreux, très nombreux. Ce sont ceux qui ne veulent pas, ou bien ne peuvent pas, ou encore, ne doivent pas parler. Ils sont nombreux, très nombreux ceux qui, ce soir, prient dans le silence. Sans oser dire leurs prières. L’Église des catacombes, l’Église du silence, n’a jamais été absente de la terre. Vous devez entrer en face de la présence du silence, pour la rencontrer, pour la reconnaître, pour la comprendre, pour prier avec elle, avec cette Église du silence.

Et en voici le moment, ici, maintenant, ce soir. Faites silence et priez. Ce soir, la silencieuse Mère de Dieu, entend le silence de ceux qui prient : " Salut, foi du silence des orants. Salut, épouse inépousée ".
Prononcé en la Cathédrale Saint Ménas d’Héraclion (Crète) au cours de l’office de l’Hymne Acathiste le 14 avril 1967. (Publié dans le volume " Chalkidonia " Mémoire du Métropolite Doyen de Chalcédoine Méliton Hadjis, 1913 – 1989, Athènes 1999, p. 449 – 453 (en grec) ) Traduction : Alexandre Tomadakis

L'artiste


L'artiste est celui qui se laisse tranpercer par le Feu, qui écoute la nature résonner en lui.
Fécondé par le vent, il révèle sa puissance, inondé par la caresse des couleurs il les offre au monde dans un bouquet éclatant.
Ouvert, transparent, l'artiste contemple l'âme des choses lui murmurer leur secret.
Il régénère des Vérités éternelles, sème des germes vivants pour les générations futures.
L'intuition, la spontanéité, l'authenticité, le désir de se surpasser, de se donner, sont des qualités qui accompagnent l'artiste qui pacifie le monde, en lui révélant des images de Beauté.
L'Harmonie sauvera le monde !
Frère Jean






La voie royale de la guérison de l'âme

Dans la majorité des cultures, on retrouve quatre universels de guérison :


la danse pour le corps,

le chant pour le cœur,

les contes et légendes pour la pensée ....

...... et le silence pour l'âme.



Le silence donne à l'ego la perspective nécessaire pour que s’installe une vision claire, élargie, une lecture en profondeur, au-delà de la grande souffrance qui accompagne souvent le passage des moments initiatiques de la vie. Enveloppé de silence, un chagrin d'amour, une perte ou une séparation, une épreuve ou l’annonce d’une maladie prennent un sens différent. Une deuxième lecture devient alors possible, la douleur s'allège.

Pour Carl Jung, le silence est la voie d'accès à l'héritage de l'inconscient collectif et à ses ressources créatrices infinies. C'est la fusion avec l'Univers. Il favorise la manifestation de l’intuition, voie royale de la connaissance innée. L'intuition, à son tour, donne accès à la vérité au-delà des frontières de la raison. Les réponses étant inscrites à l'intérieur de nous, il suffit simplement de les écouter dans la quiétude du silence.

L’être humain qui invite doucement le silence dans sa vie développe l’inspiration créatrice qui pourra le conduire à sa pleine réalisation. Et comme cette inspiration émerge souvent dans le silence de la nuit, il faut être prudent au réveil afin que la raison ne vienne pas saboter, par le biais de l'analyse et de la critique, les cadeaux déposés à notre porte par la créativité onirique !

" L’affaire n’est pas de trouver mes mélodies mais plutôt de ne pas les piétiner le matin en sautant hors du lit. "
Jean-Sébastien Bach

21 juin 2006

La prière de Jésus





Les mots qui peuvent aider la méditation au début tomberont comme des fruits mûrs avec un peu de pratique et de maturation intérieure. On n'en a plus besoin... Tout est là, dans l'indicible silence. Mais parfois on y revient comme à des béquilles pour traverser le désert de la sécheresse ou, mieux, enjamber toutes les résistances, de la distraction à l'ennui, nos oignons d'Égypte qui nous retiennent toujours dans l'Exil du petit moi... Alors un mot, une expression, une petite phrase peuvent être comme la colonne de feu qui nous précède dans notre nuit intérieure pour nous éclairer et nous indiquer le Chemin (EX 13,21-22). Chacun a les siens, ses préférés...

Ainsi, on pourrait prendre : sur l'expiration De moi vers Toi, entre l'expiration et l'inspiration Tout en Toi et sur l'inspiration Par Toi. Ou encore, sur l'expiration. De moi vers Toi et sur l'inspiration De Toi vers moi. L'essentiel étant de toujours vivre intensément à travers les mots utilisés.

La Bible nous aiderait à trouver des expressions variées, si le besoin s'en ressentait. Mais le temps nous conduira à plus de simplification, c'est la loi de toute vie spirituelle, et le jour viendra où le Nom de «Jésus» seul suffira pour nous combler. L'expiration sera un abandon silencieux, l'espace entre l'expiration et l'inspiration une union à Jésus pendant laquelle on pourra dire son Nom ; tandis que l'inspiration sera l'accueil silencieux de sa Présence, de sa Joie, de sa Paix... Peut-être même le Nom s'effacera-t-il un jour pour laisser la place à la réalité de Jésus. Le principal n'est pas de formuler des mots. Ceux-ci ne doivent pas devenir des fantasmes magiques qui tournent autour de leur existence autonome, mais exprimer le contact immédiat avec la réalité cherchée. Ils sont en même temps prononcés et dépassés, car toute l'attention est investie par la Présence.

Un jour donc, toute la parole s'estompe; alors, dans le silence total, sa Présence nous pénètre, nous emplit, nous imbibe, comme la tache d'huile silencieusement s'étend dans le papier pour le rendre transparent... Connaissance amoureuse du Christ, un contact si réel avec sa Personne qu'il nous modifie jusque dans le détail. Littéralement, la Personne de Jésus déteint sur nous. A force de ruminer son Nom, il finit par passer en nous. Ses manières, ses réactions, ses pensées deviennent nôtres par une sorte d'osmose.
Tradition aussi vieille que l'homme que de communier au bien-aimé en répétant son Nom. Joie des amoureux de toujours. Et tellement constitutive de l'homme qu'elle est le patrimoine de toutes les religions. Le croyant de l'Ancien Testament invoquait le Nom du Seigneur des heures durant, festin pour ses lèvres, louange en sa bouche (Ps 63,4-9), et Jésus a lié à son Nom l'efficacité même de toute prière : Jusqu 'ici vous n 'avez rien demandé en mon Nom. Tout ce que vous demanderez au Père en mon Nom, il vous le donnera (in 16,23-14). Aussi les chrétiens considéraient-ils dès les premiers temps comme un trésor de vie (Pasteur d'Hermas) ce que l'on appellera plus tard la «Prière de Jésus» ou la «Prière du coeur ».

Le soupçon d'intimisme que nous pourrions jeter sur une telle pratique ne résiste pas à l'expérience, car dans le Nom de Jésus se trouvent, résumés et agissants, tous les mystères de notre salut et le monde créé en Lui et par Lui (Col 1,16 17), en dehors de Lui il n'y a rien (Jn 1,3)... Les premiers chrétiens le savaient: leur conviction à ce sujet était d'une telle puissance que dans et par ce Nom non seulement ils priaient et méditaient, mais ils chassaient les démons, guérissaient les malades, proclamaient la Bonne Nouvelle du Salut et accomplissaient toutes sortes de miracles... Toute leur vie en était imprégnée, à tel point qu'on les désignait volontiers comme ceux qui invoquent le Nom du Seigneur (Ac 9,14; 1 Col 1,2; 2 Tim 2,22), ils se réunissaient au Nom de Jésus (Mt 18,20), ils accueillaient les autres en son Nom (Mc 9,37), rendaient sans cesse grâce à Dieu au Nom du Seigneur Jésus Christ (Ep 5,20; Col 3,17) et à travers tout leur comportement ils cherchaient à glorifier le Nom de Jésus (2 Th 1,11). Bien plus: l'unique richesse de l'Église c'est Lui, et toute sa mission est de parler au Nom de Jésus (Ap s,40). Car nul ne peut entrer dans le royaume de Dieu si ce n'est par le Nom du Fils, dit encore le Pasteur d' Hermas.

Reconnaître Jésus comme Seigneur, c'était pour les premiers chrétiens lui attribuer l'appellation la plus caractéristique de Dieu même. Jésus est l'irruption dans l'Histoire de Celui qui, au Buisson Ardent, a révélé son Nom à Moïse en disant: Je suis.

Ce Nom, cri de ralliement des tribus d'Israël dans tout l'Ancien Testament, Nom béni et redoutable devant lequel les Anges se voilent la face, et finalement si inaccessible et mystérieux que les juifs osent à peine le prononcer, ce Nom prend un visage avec Jésus qui en est la pleine révélation. Mais les juifs ne peuvent y croire quand Jésus dira à leur face Je Suis (in 8,58), les paroles du Buisson ardent résonnent à leurs oreilles, tout leur être frémit et ils ramassent des pierres pour le lapider...

Pour nous aussi cette parole est vivante, efficace et plus incisive qu'aucun glaive à deux tranchants qui pénètre jusqu'à la moelle de notre être... (He 4,12). Devant Lui, Jésus, nous sommes à la croisée des chemins, le choix le plus décisif qui engendre l'homme à sa liberté: Qui n'est pas pour moi est contre moi (Lc 11,23) et dire son Nom avec foi c'est offrir notre chair à sa Présence pour retrouver notre véritable identité, l'axe de notre propre nom, figure enfouie dans nos profondeurs, trans-figuration... Seul le Nom de Jésus, Nom au-dessus de tout nom (Ph 2,9), est la clé de nos portes verrouillées.

Il n'y a rien de magique en cela ! Car, à l'instar de Moïse invité à se déchausser, nous n'entrerons dans la puissance du Nom de Jésus qu'en nous dépouillant, en brûlant nos faux appuis et en mettant en pratique l'Evangile... Ce n'est pas en disant Seigneur, Seigneur qu'on entrera dans le Royaume des cieux, mais c'est en faisant la volonté de mon Père (Mt 7,21).

Méditer dans le souffle de Dieu


L'homme naît en recevant le premier souffle et meurt en rendant le dernier.


La vie est dans le souffle, elle est un souffle de vie. Mais que notre langue est intellectuelle ici ! Sous l'apparente profusion des mots se cache déjà le péché de la division et la proéminence du mental dans notre culture : âme, souffle, respiration, haleine, vent, Esprit..., autant d'expressions que recouvre et contient le seul terme de Rouah en hébreu.

La Bible n'a donc pas de complexe, en parlant du souffle ou de la respiration, à laisser s'ouvrir en même temps la porte sur un abîme de mystère... Et réciproquement, en parlant de l'Esprit, elle ne craint pas de désigner par là aussi Celui qui anime jusqu'à la moindre haleine pénétrant dans les narines de l'homme! Il faut un temps assez long de pratique pour comprendre réellement que ce n'est pas nous qui faisons la respiration, mais que ça respire en nous sans que nous y fassions quoi que ce soit. Quand on éprouve cela pour la première fois, c'est une des expériences les plus frappantes de cette grande Force qui nous habite et nous maintient en vie sans notre intervention. Nous ne vivons tous que parce que le souffle de Dieu nous pénètre constamment, comme il pénètre d'ailleurs dans tout ce qui existe et jusqu'au moindre grain de poussière; pas une cellule de notre corps qui ne soit continuellement animée par cette Présence créatrice et vivifiante.

La respiration peut devenir le lieu de cet échange ineffable et plein d'Amour. Dans la méditation, il s'agit d'en devenir conscient, non en fixant ou en analysant, ce qui créerait une distance d'extériorité, mais, en épousant intérieurement ce mouvement de vie, se laisser saisir par lui. Arriver à vraiment écouter dans le silence comment chacune de nos expirations, dans la mesure où nous nous y abandonnons, nous conduit aux sources cachées de notre être profond et là, nous recrée dans une nouvelle inspiration. Mort-naissance, mouvement incessant qui nous fera entrer progressivement dans une plénitude indescriptible, et si nous y sommes fidèle, l'être essentiel nous envahira de sa présence.

Le lâcher-prise des scléroses du moi et la plongée dans le feu purificateur de l'Etre unifient progressivement nos forces indivises autour d'un nouveau centre. Le coeur de pierre (EZ 36,26) qui durcit tout, fixe et objective, devient peu à peu un coeur de chair, dont la caractéristique essentielle est une capacité croissante d'aimer. A ceci tous vous reconnaîtront pour mes disciples : à cet amour que vous aurez les uns pour les autres (Jn 13,35). La renaissance dans l'amour est le signe qu'un autre nous a touchés, mieux : investis et transformés. C'est une conversion toujours plus saisissante à mesure que l'expérience progresse, la réalisation de la metanoïa (conversion) inscrite au creux de tout l'Evangile, le grand tournant de la vie sans lequel il n'y a pas de maturité humaine ni chrétienne possible.

La méditation est de cet ordre ou elle n'est pas ! C'est une expérience rigoureuse et existentielle d'union avec le Christ dans sa mort afin d'avoir part à sa Résurrection. Tout ce qu'on dit à ce propos n'a de sens que si on peut le réaliser. Sinon le discours est creux (1 Tim. 6,20). Saint Paul insiste très fortement sur ce mode de connaissance, en particulier dans sa première épître aux Corinthiens. A côté de la sagesse rationnelle et dialectique, il y a celle qui est matière à expérience et qui dépasse la raison. Seule cette sagesse-là fait communiquer au Christ vivant en nous et donne accès à une vie totalement nouvelle, à condition cependant d'être libéré de la sujétion aux formules verbales et aux structures conceptuelles, la sagesse du langage (1 C0 1,17).

La foi suppose donc tout autre chose qu'une simple adhésion intellectuelle à une donneé doctrinal. L'expérience à laquelle elle invite est l'acceptation d'un dépouillement total, un lâcher-prise qui signifie en réalité être cloué sur la croix avec le Christ, de telle sorte que l'ego n'est plus le principe de nos actions les plus profondes, qui désormais procèdent du Christ qui vit en nous (Ga 2,19-20>. Voilà le centre de la vie du chrétien, il ouvre sur une vie en plénitude (Ep 3,19).

C'est un chemin qui conduit d'une vision d'extériorité à une vision d'intériorité, où l'on cesse enfin de concevoir et de prêcher la religion comme une relation avec un être extérieur qui s'ajoute à notre existence pour la conforter, la diriger, la sur veiller ou la juger. Le Tout-Autre qui serait le Tout-Extérieur, ce qui est au-delà du cercle des choses visibles et avec lequel nous entretenons des rapports de dépendance aliénante est proprement aberrant. On comprend que les attaques des maîtres du soupçon, Feuerbach, Marx, Nietzsche, Freud, soient maintenant l'air du temps...

Dans la vision d'intériorité au contraire, Dieu n'est pas victime d'une mesure de ségrégation, il n'est pas seulement ailleurs, ni au-delà, dans un autre monde où il faudrait émigrer pour le trouver, mass en plein coeur de l'humain comme sa raison d'être, son âme et le dynamisme de son dépassement.Par conséquent, Dieu est à chercher dans la dimension de la profondeur la plus existentielle, dans ce qui fait qu'un homme est un homme et sans quoi il cesse de l'être. Si la profondeur est vraiment le domaine de la religion, on voit aussitôt que personne ne saurait vivre pleinement sans la rencontrer, que tout dualisme devient impensable et qu'il n'est plus possible d'enfermer Dieu dans un domaine réservé, en marge de l'existence pratique.

La foi n'est plus alors une rallonge ou un luxe inutile, mais la vie même dans ce qu'elle a d'essentiel, où donc il devient plausible que sans Dieu il n'y a plus d'homme. Transcendance, oui, mais qui est un au-delà au coeur de notre vie (Bonhoeffer), non pas infiniment loin, mais toute proche, une couche de vérité si profonde qu'on l'atteint non pas aux frontières de la vie, mais en son centre, non pas par une fuite, mais par une plus profonde 'immersion dans l'existence, selon la belle expression de Kierkegaard.

Ici, beaucoup mieux que de comprendre, il s'agit de se laisser prendre, de se laisser saisir par le Christ, car un moment doit venir où, si autorisée que soit la parole que nous a interprétée Jésus, nous devons croire en vertu d'une expérience immédiate, d'un contact personnel. Chemin de Damas en dehors duquel il n'y a pas de disciples. Or voilà bien notre espérance : susciter en chacun le disciple qui répondra en temps voulu à son appel intérieur qui lui dit : Viens et suis-moi!

La sensation du divin




Dans l'assise méditative, l'exercice de détente dans le sentir du corps, une fois que l'on a atteint une certaine profondeur et un bien-être à entrer dans son corps, sous la peau en quelque sorte avec toute sa conscience, demeurer longuement et sans résistance dans la lourdeur de ses membres ; là, goûter le corps que je suis, percevoir avec toutes mes fibres le changement profond qui s'introduit peu à peu dans ma manière d'être là: cette absence de frontières, l'exclusion du moi dominateur, une chaleur inhabituelle qui n'a rien à faire avec la température du corps, le sentiment d'une force mystérieuse qui me porte et me soutient, l'impression d'une remise, d'un abandon total ; je ne m'appartiens plus et pourtant je suis plus moi que jamais, intensément recueilli en moi-même et cependant relié à tout l'univers...

Ouverture de tout mon être à ce qui le dépasse infiniment, comme s'il venait de répondre à l'invitation secrète mais permanente du souffle de l'Esprit au fond de son coeur : Epheta - Ouvre-toi! (Mc 7,34).Et, en effet, la profondeur de chaque sensation, dirait Vittoz, est une recréation de soi, une véritable marche vers la liberté, c'est-à-dire l'éveil de la personne sous les cendres du petit moi. La détente au sens initiatique, loin d'une simple relaxation musculaire, ouvre les portes du mystère intérieur et offre le corps comme lieu d'alliance avec Dieu. Voici que je me tiens à la porte et je frappe; si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte, j'entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi (Apoc 3,20) ... Offrez vos corps à Dieu... le corps est pour le Seigneur... Ne saviez-vous pas que vous êtes un temple de Dieu?(Rom 12,1; 1 Cor 6,13 ).
Mais, s'il est vrai que notre corps est le sanctuaire de la Présence divine, on peut dire avec saint Grégoire Palamas que nous sommes chair de Sa Chair et os de Ses Os... Dieu cesse enfin d'être un fantôme pour l'homme, nous pouvons le toucher (Lc 24,39) ! On ne le rencontre pas dans des abstractions ou des mots, ne rabâchez pas dit le Christ (Mt 6,7), touchez-moi! (Lc 24,39). S'il est en effet sorti de l'Abîme infranchissable de ce que nul oeil n'a vu, nulle oreille entendu..., c'est précisément pour devenir chair et s'assimiler à nous afin que nous puissions voir Sa Majesté de nos propres yeux (2 P 1,16), l'entendre de nos oreilles (Mt 13,9 et 16), le toucher de nos mains (1 Jn 1,1), le sentir avec tout notre être... et nous laisser saisir par Lui.






Cette méditation par le sentir va de l'extérieur vers l'intérieur, de notre surface vers la profondeur. La sensation, telle une vague de l'océan, selon la belle image d' Aurobindo, est éphémère : elle apparaît et disparaît, ne dure qu'une fraction de seconde, mais comme la vague est reliée à l'immensité profonde de l'océan tout entier, ainsi la sensation est reliée à l'infini de notre conscience intérieure et, s'il y demeure pour l'approfondir, le méditant entre peu à peu dans ce que Claudel appelle, à la suite des Pères, la sensation du Divin...

Le sentiment d'une Présence ineffable au contact du Mystère qui l'imprègne jusque dans la moindre de ses cellules. Comme le feu qui pénètre le fer lorsque celui-ci est jeté dans le brasier: le fer garde la substance du métal mais il devient et réalise le feu qui l'habite et le transfigure littéralement.

Cette parabole merveilleuse utilisée pour la première fois par saint Macaire le Grand résonne à travers toute la tradition chrétienne, de l'Orient à l'Occident. Aujourd'hui comme hier, le Christ nous invite à gravir la Sainte Montagne pour entrer avec Lui dans ce feu divin. La méditation nous en ouvre le chemin concrètement...

Ascèse de l’ Amour


Les Apophtegmes de Mère Gabrielle

1. Chaque lieu peut devenir un lieu de Résurrection. Il suffit que tu vives l’Humilité du Christ.
2. Dors. Il suffit que tu sois vigilant.
3. Il y a des personnes qui veillent pour certains et il en existe d’autres qui veillent pour tous.
4. L’Esprit de l’Orthodoxie... Ce n’est pas un savoir que tu apprends mais un savoir que tu vis.
5. Ne demande pas beaucoup de choses, ce qui est à ta portée ou plus loin. Au contraire, contente-toi du peu que tu as et essaie de le Sanctifier.
6. Il n’y a qu’une Culture: Apprendre à aimer Dieu.
9. Ce n’est pas ce qu’on dit, mais ce que l’on vit. Ce n’est pas ce que l’on fait, c’est ce qu’on est. 11. Si tu aimes, le monde est beau.
12. Quelqu’un a dit que Chrétien est celui qui purifie l’amour et sanctifie le travail.
15. Notre but est d’avoir le Paraclet dans notre coeur même si nous avons... le Parasite dans notre tête.
16. Nous devenons la réflexion du ciel avec les paroles sacrées: que Ta Volonté soit faite sur la Terre comme au Ciel.
17. Qui respire ne le ressent pas. Qui aime aussi.
18. Quand les portes du Ciel sont ouvertes, celles de la Terre le sont aussi.
19. Quand la pensée se détourne des choses de ce monde et est unie à Dieu, à ce moment, même notre bonjour devient une bénédiction pour l’autre.
20. Le Non que nous formulons détruit en nous toute énergie.
22. Nous avons besoin, au début de notre existence, de la présence de quelqu' un de tendre ou d'amical. A mesure que nous progressons, Dieu, Lui Seul, nous inonde de son Amour et de Sa Joie, à tel point, que nous n’avons plus besoin de personne d’autre. Notre âme agit ainsi, au début, car elle ne sait pas encore Qui elle aime. Elle croit que c’est cette personne là...
23. Très souvent, Dieu se contente de notre bonne volonté. Il Lui suffit que nous soyons prêts à exercer Ses Commandements.
24. Jésus Christ nous a donné l’exemple : Seul et avec les autres.
25. Quand Dieu nous créa, Il nous insuffla Sa Vie et Son Esprit. Et cet Esprit, c’est l’Amour. Quand l’Amour nous abandonne, nous sommes déjà des morts-vivants.
26. Le Chrétien doit respecter le Mystère de l’Existence en Chacun et en Chaque Chose.
27. Pour aboutir à ta «non-existence», tu aimes, tu aimes, tu aimes et, ainsi, tu t’identifies parfaitement à l’Autre à n’importe quel Autre, de telle sorte qu’à la fin du jour tu te demandes: Est-ce que je veux quelque chose? Non. Est-que je désire quelque chose? Non. Me manque-t΄il quelque chose? Non... C’est ça!
28. La personne spirituelle est celle qui n’a plus de fierté et qui a vraiment compris, au plus profond d’elle-même, que tout ce qui lui arrive est: soit la Volonté de Dieu, soit Sa Permission. 29. L’évolution spirituelle réelle commence vraiment au moment où l’on cesse toutes les lectures, en dehors de celles de l’Evangile. Ce n’est qu’alors, unis à Dieu par la Prière, qu’on pourra comprendre Sa Volonté.
30. Ne désire rien d’autre que Sa Volonté et accepte avec amour tous les maux qui se présentent à toi.
31. Ne confonds jamais la personne avec le mal qu’elle te fait. N’oublie pas que Le Christ est dans son coeur aussi.
32. Ne dis jamais :"Pourquoi passer par cette épreuve"? Ou encore, quand tu vois quelqu’un atteint par le cancer, la gangrène, ou un aveugle... ne demande pas pourquoi il subit cela... Mais prie Dieu de t’offrir la vision de l’autre rive... A ce moment, tout comme les Anges, tu percevras la réalité des choses ici-bas. TOUT est dans le dessein de Dieu. TOUT.
33. Un sage a dit: "Si ce n’est que de vivre pour soi, mieux vaut ne pas naître".
36. Le talon d’Achille se cache dans le bavardage et les conversations des hommes.
37. Être humble, c’est de ne jamais vouloir avoir de remords.
38. Si tu as une attitude de critique, prie Dieu de t’en libérer afin de pouvoir aimer cette personne, comme Lui l’aime. Dieu t’aidera alors à voir tes fautes. Si le Christ était visible, aurais-tu fait un jugement pareil?
39. Si quelqu’un ne te plaît pas, pense qu’en son visage tu vois le Christ. A ce moment tu n’oseras plus exprimer, ou même penser, la moindre critique.
40. Nous devons aimer et accepter les êtres tels que Dieu nous les envoie. C’est ainsi que Le Seigneur Lui-même et la Tradition Orthodoxe le définissent.
41. On ne doit devenir le serviteur de personne. Nous ne le sommes que de Dieu. L’Apôtre dit: «Dieu a payé le prix de l’achat». La servilité ne doit pas exister.
42. Les propos que nous échangeons, demeurent dans l’Eternité.
43. Ce n’est que lorsque tu te perfectionneras dans l’Agapé (Amour) que tu atteindras l’Apatheia (Impassibilité).
44. Les travers ne se rencontrent que chez ceux qui agissent sans amour véritable.
45. La pensée... est naturelle. Le jugement et la critique, ne le sont pas. Le Discernement est un Don de Dieu et nous devons prier pour l’acquérir, car il est indispensable pour notre protection et notre progrès.
46. La vie de l’Eglise est au-delà de toute discipline morale et devoirs religieux. C’est la transcendance de la Moralité vers la Spiritualité.
47. L’être indécis ne prend pas part à la vie.
48. Le Seigneur, quand il le faut, nous envoie toujours quelqu’ un auprès de nous. Nous sommes tous des compagnons de route.
49. Le langage de Dieu est le silence.
50. Celui qui vit dans le Passé, vit comme un mort. Celui qui vit dans le Futur avec son imagination, est naïf, car l’avenir n’appartient qu’à Dieu. La Joie du Christ réside seulement dans le Présent. Dans le Présent Eternel de Dieu.
51. Notre but est d’adorer Dieu et d’aimer ses prochains.
52. Le bonheur et la Sérénité se trouvent dans l’accomplissement des Commandements de Dieu. 53. La Charité la plus essentielle est de dire du bien des autres.
54. Je ne peux, même si je le veux, me faire de la peine ou du chagrin. C’est comme si on dit à Dieu "Je ne suis pas d’accord avec Toi et avec Ta façon de faire". Après tout, ce n’est que de l’ingratitude...
55. Parler est inutile devant la Beauté. Ceci trouble toute harmonie.
56. En invoquant le Nom du Christ, nous martelons notre «Ego».
57. (en parlant de lampes à huile) C’est celle de notre âme qui doit toujours brûler. Elle ne doit jamais s’éteindre.
58. La joie que tu donnes aux autres, tu l’éprouves toi-même en premier.
59. Mieux vaut prier à voix basse que de ne pas prier du tout.
60. Que Dieu s’interpose entre toi et ton but et non pas ton but entre toi et Lui.
61. L’agonie de la mort est l’effort que fait l’âme pour se libérer et courir vers le Seigneur.
62. La correspondance est la meilleure façon d’être seul et, en même temps, en communion avec les autres.
63. Le Miracle est le cours normal des choses comme Dieu le désire. Ce que nous appelons Miracle, pour Dieu est naturel.
65. Si cela ne se passe pas comme nous le souhaitons, ne cherchons pas le coupable car nous seuls le sommes! Pendant notre prière nous pouvons en découvrir la raison, si nous le Lui demandons. Ou bien nous n’avons pas assez aimé, autant qu’il le fallait ou, nous avons enfreint un autre Commandement, ou bien, nous avons fait une fausse démarche. Peut-être encore, avons nous essayé de devancer les autres, ou de compter sur ceux auxquels on n’aurait pas dû. 66. Si nous perdons quelque chose, nous devons dire: "Délivre-moi aussi Seigneur de toute mauvaise pensée à l’égard de mon prochain".
67. Le souci est pour ceux qui n’ont pas de Foi.
68. L’Amour se trouve seulement sur la Croix.
69. Les relations deviennent difficiles lorsque le Moi domine le Toi.
70. Le Seigneur t’aime tout comme Il aime tes ennemis.
71. Veux-tu prier? Prépare-toi à rencontrer, secrètement, le Seigneur.
72. Certains deviennent les instruments des Forces du Mal par la Permission de Dieu, pour notre propre épreuve et notre progrès.
73. Ne te trouble pas, car tout trouble éloigne Son Aide.
74. Si quelqu’un arrive à vivre avec le monde comme l’eau et l’huile qui ne se mélangent pas dans la lampe, alors, à ce moment, il vit en Dieu. Il est «en ce monde, mais pas de ce monde».
75. Nous sommes tous des récipients. Soit de la Lumière, soit des Ténèbres.
76. N’ouvre pas la bouche au moment où tu traverses une crise ou affrontes un problème. Mais parles-en aux Anges et prie-Les de les mettre aux pieds du Seigneur. Demande-Lui un Ange de Paix pour t’apaiser.
77. Certains demandent nos «conseils» pour s’en cacher derrière. Alors, si quelque chose va de travers ils disent que "c’est de ta faute". Il est fort probable, d’autre part, qu’ils ne les appliqueront pas. Ce sera donc du temps perdu.
78. Quand le Moi se brise pour devenir Toi et quand le Toi se casse à son tour et que le Toi et le Moi deviennent LUI, nous devenons, alors, tous SIENS.
79. Si quelque fois tu éprouves de la crainte, bouche tes oreilles et rιcite la Prière de Jésus.
80. Ce n’est que lorsque nous «vaquons» que les Anges peuvent faire quelque chose pour nous. 81. Fais ce qu’il faut faire et Dieu fera ce qu’Il doit faire.
82 .Quand tu éprouves un élan, un désir ardent, au moment ou Dieu le voudra, tes souhaits seront exaucés.
83. Personnellement nous ne pouvons nous défaire d’aucun défaut. C’est Dieu qui nous en libèrera, un par un.
84. Chaque jour demandons au Seigneur de briser notre propre volonté, de la faire Sienne pour que nous puissions devenir tels qu’Il veut.
85. Ne nous rendons pas à Sa Volonté comme les soldats. Nous autres, Ses enfants, devons Lui offrir notre volonté et tout notre être, dans tout notre piteux état. Nous devons Lui dire "Je T’offre mes travers et mes défauts. Je Te supplie, corrige-les".
86. La Grâce de Dieu nous touche quand nous Lui tendons les mains. C’est la Foi qui attire la Grâce du Seigneur. Dieu est prêt à nous l’accorder, mais... où sont les mains? Dieu fait «pleuvoir» Sa Grâce, quant à nous... nous portons un chapeau, ou nous tenons un parapluie. 88. Tu ne dois pas discuter sur les absents.
89. Nous vivons dans la Vanité et nous croyons vivre quelque part. Pauvres de nous...
90. Oh Seigneur! Pardonne-nous si quelquefois nous nous comportons fièrement, comme ces petits coqs qui tirent vanité de leur crête!
91. Pauvres créatures! Nous interprétons le périssable pour Immortel et l’Eternel comme inexistant.
92. Le pauvre oignon! Lui aussi offre ce qu’il peut...
93. Comme le Mystère, le Sacrement de Demain est beau!
94. L’Homme n’en tire une leçon qu’une fois. S’il ne l’a pas prise du premier coup, cela veut dire que quelque chose dans son subconscient l’empêche.
95. Le Seigneur a dit: «Si quelqu’un a un désir, ayant la foi, il l’obtiendra». Il suffit que cette requête soit en harmonie avec les Commandements de Dieu, c’est à dire avec l’Amour. 96. Ne prive pas les autres des miettes du Pain de la Vie que Dieu t’offre entièrement. Tous ont faim et soif d’Amour. Tout comme Lazare, qui se nourissait des miettes qui tombaient de la table du Riche.
97. Nous n’avons pas le droit de ne pas refléter la Lumière du Seigneur. Rien ne doit rester sous le boisseau...
98. Toutes les choses ont deux faces, comme le couteau à double tranchant. Ce qui crée aujourdhui, demain détruit. Comprend celui qui peut.
100. Nous devons aimer pour que le Miracle ait lieu. La Prière et le Komboskini n’ont pas une telle force.
101. Si tu savais que tu n’es pas Ici, tu serais déjà Là.
102. L’expérience m’a prouvé que personne ne peut aider autrui malgré notre volonté et notre amour. L’aide vient de Lui au moment décidé.
105. Nous ne sommes utiles que si nous n’existons pas pour nous-mêmes.
106. Ne décidons pas pour les autres. Laissons ce soin aux Anges qui trouvent toujours la meilleure solution.
108. Tout comme Simon le Cyrénéen nous devons être prêts à secourir notre prochain.

Editions http://www.toperivoli.gr/

18 juin 2006

À l’époque où mon âme se cherchait ....


LE CHANT BYZANTIN


Entretien avec Divna Ljubojevic

Qu’est-ce qui peut décider un jeune à se tourner vers le chant sacré ?

L’état de l’âme ! C’est toujours l’état de l’âme qui détermine toute chose. L’âme est en nous ce qui cherche, demande et finalement choisit. Plus couramment, on appele cela « affinité ». En ce qui concerne le chant sacré, cette décision ne peut se prendre qu’à un moment où l’être est encore réceptif, innocent, non pratique, non sali. Et c’est en gardant toute sa vie de telles dispositions que l’on peut continuer à chanter ce répertoire, jusqu’à la fin.


Dans votre cas, comment cela s’est-il produit ?

Exactement comme ce que je viens d’expliquer. À l’époque où mon âme se cherchait, je suis arrivée au monastère de la Présentation, j’ai entendu Mère Agniya et les sœurs ; elles chantaient divinement, et…voilà.


Quel rapport entre la mélodie, la part de Divin dans l’art et son propre talent ?

Tout s’entrecroise. La mélodie peut être l’intermédiaire entre l’humain et le Divin, voire le rapport même avec le Divin. Quant au talent, quel artiste a le temps de penser à son propre talent avant des années et des années de maturité ? Le talent est un regard de Dieu sur l’être, et donc une circonstance heureuse pour le bénéficiaire puisqu’elle lui permet un rapport digne avec Dieu.


Comment se consacrer à quelque chose de si sublime et solennel dans un temps de chaos et de vitesse ?

Chaque temps a son chaos ! Le rapport entre le Chaos et le Temps peut se comparer au rapport entre l’enfant dans la puberté (l’homme) et un Père (Dieu). Le Chaos d’aujourd’hui est justement cette « vitesse immodérée » par laquelle on n’arrive nulle part, car elle est apparente et n’existe pas dans le temps. Elle est l’aveuglement massif, causé, je suppose, par cette poussière que lève la grande vitesse. Et comme il faut justifier cette course absurde, on a inventé de nouvelles valeurs, comme on met des fleurs dans un vase, des fleurs sans racines.Tout cela est vain dans la mesure où, bien avant ces fausses valeurs, existe la Vérité de Dieu sur l’homme. C’est depuis cette Vérité que pousse « la branche » sur laquelle on peut cueillir l’homme.Voici pourquoi je trouve simple et naturel de me consacrer à cette musique, sublime – puisqu’elle vient de Dieu, et solennelle – puisque la vie est une célébration.



Que pouvez-vous nous dire de votre expérience de chef de chœur à Paris ?

Le début de mon engagement professionnel à Paris est lié à la fondation de la chorale attachée à l’Eglise serbe de Saint Sava dont les membres, à l’époque, étaient exclusivement des Serbes. J’ai travaillé avec eux durant plusieurs semaines pour former la chorale à chanter durant les liturgies. Une expérience professionnelle que, certes, j’avais déjà vécue, mais également nouvelle car ces chanteurs étaient nés en France où y vivaient depuis si longtemps qu’ils étaient en fait Français. Mon travail avec les étrangers a commencé en 1998. Depuis 2002, je tiens des ateliers à Paris et à Londres , un autre va bientôt s’ouvrir aux Pays-Bas.
Comment ces publics variés réagissent-ils à votre travail, à ce qu’ils entendent ?Ils sont la plus belle preuve que la musique sacrée et le travail sur cette musique conduit l’homme du bas vers le haut. C’est ce que j’ai vécu aussi bien à travers mon travail de chef de chœur qu’à travers les concerts, en France, en Angleterre en Allemagne… Je crois que ce sera le cas partout où je chanterai et travaillerai.


Outre les cours de chants eux-mêmes, existe-t-il une histoire théologique sur le fondement métaphysique du chant ?

Le chant est, dès le commencement, indissolublement lié à une « histoire théologique » , il a donc des fondements métaphysiques. Sous une forme ou sous une autre, le chant existe depuis les temps apostolique et représente le chant angélique adressé à Dieu. Existe-t-il plus grand fondement métaphysique et théologique ? Cela se perçoit bien à travers le texte que porte la mélodie… où qui la porte.


Que pensez-vous des tendances actuelles d’ethno music et de world music ?

Il existe une telle offre qu’elle en donne mal à la tête !! Nous sommes entrés dans un zone dangereuse où la raison de chanter n’est plus l’éducation mais la popularité et le gain personnel. Mais cette musique est très écoutée, ce qui montre combien règne l’impersonnalité. Heureusement, les modes sont toujours fugaces et rares sont les spécimens qui connaissent un succès durable.


Pourquoi insistez-vous sur l’authenticité ?

Vous savez, l’authenticité est un impératif permanent, exigeant un perfectionnement incessant. Mélanger « mon son » avec des expressions modernes, électroniques, n’est admissible que dans les limites du bon goût.

Dossier de presse
DIVNAMystères Byzantins
Contact presse : Franck LaurentEditons Jade, 35/37 rue des petits champs, 75001 Paris
Tel : 01 44 50 59 94 / 06 07 61 14 88 / jade@milanmusic.fr


Monastère de la Présentation de la Sainte Vierge, Belgrade

Le Chœur et Studio pour la Musique Sacrée MÉLODI a été fondé en 1991 au monastère de la Présentation de la Sainte Vierge à Belgrade. Cette formation accompagne chaque dimanche et chaque jour de fête le service liturgique. La chorale a pris le nom de son protecteur, saint Roman le Mélode, le Doux Chanteur, l’un des premiers et des plus grands poètes de l’église orthodoxe. Le mot " mélode " est d’origine grecque et signifie : chantre, chanteur.L’ensemble est composé de 25 chanteurs dont certains collaborent avec la directrice du Chœur , Divna Ljubojevic , depuis 1988. Le répertoire du Chœur MÉLODI s’attache essentiellement aux œuvres de musique sacrée orthodoxe, depuis les plus anciennes pièces monodiques ou polyphoniques byzantines, serbes, bulgares et russes jusqu’aux œuvres d’auteurs contemporains. Outre le service liturgique, le Chœur a donné plus de 70 concerts à travers le pays. Il a participé au festival " Les chorales parmi les fresques " à Belgrade (six années consécutives), où il a obtenu en 2000 le Prix Voïslav Ilitch , dans la catégorie « Meilleure chorale ». Mélodi a également participé au Festival International de Musique Sacrée à Novi Sad, à l’Académie Spirituelle d’Eté du monastère de Stoudénitza, et aux Jours de Mokranjac à Négotin où elle a reçu la Plaquette d’or…; elle a également participé à de nombreuses émissions pour des stations de radio et de télévision serbes (BK Télévision, TV Studio B, RTS, etc…) Deux projets internationaux sortant du répertoire traditionnel de l’ensemble ont également été remarqués. Ce sont La petite messe solennelle de G. Rossini avec les solistes de l’opéra de Bâle, et, en coopération avec le Studio for Ancient Music, l’opéra baroque Didon et Énée de H. Persle .


Divna Ljubojevic

Directrice du Chœur et du Studio de Musique Sacrée MELODI, Divna Ljubojevic est née à Belgrade en 1970. Elle a étudié à l’École de Musique Mokranjac de Belgrade et est diplômée de l’Académie de Musique de Novi Sad. Dès l’enfance, elle a pratiqué le chant religieux avec le chœur du monastère Vavedenje où elle a été formée par des moniales qui cultivaient minutieusement le style unique issu du chant de Karlovatz et chérissaient fidèlement le chant traditionnel Russe.Elle a commencé à diriger en 1988, d’abord le Chœur Mokranjac, avec qui elle a donné de nombreux concerts tant dans son pays qu’à l’étranger, et en particulier la première Liturgie de Pâques sous le dôme de l’Église St. Sava à Vratchar. Entre 1989 et 1991, elle a dirigé la Première Société Chorale de Belgrade, devenant ainsi «la plus jeune chef d’un groupe vocal dont la création remonte à 1853 ». Avec cet ensemble représentatif de la tradition la plus ancienne, elle a donné de brillants concerts, particulièrement en Grèce aux Festivals de Musique Sacrée de Delphe, Kardica et Kefalonia.En tant que pédagogue (musique chorale et solfège), Divna Ljubojevic a remporté de nombreux prix lors de compétitions d’écoles de musique. En 1997, avec la bénédiction de l’Évêque Orthodoxe de Luka, elle a fondé un chœur à l’Église St. Sava de Paris, avec qui elle a donné des concerts de musique liturgique slave et grecque à Bruxelles, Senlis et Paris. Elle a également enseigné le chant choral à l’Académie musicale d’été d’Amilly (France). Aujourd’hui elle consacre l’essentiel de son activité artistique au Chœur MELODI qu’elle a fondé avec un groupe d’amis et d’associés.


Extraits de Presse

L’église du monastère remplie jusqu’à la dernière place levait souvent le regard hier, pendant la liturgie solennelle, vers la galerie avec la chorale. Les fidèles se demandaient à qui appartenaient ces voix qui rendaient la Liturgie de Pâques encore plus solennelle, et les prières encore plus sublimes. (" Politika ", 24 avril 1995, à l’occasion de la Liturgie de Pâques célébrée au Monastère de la Présentation.)
Une démonstration extraordinairement marquante, raffinée, authentique, du vieux chant orthodoxe. (" Politika ", 28 juillet 1996, à l’occasion de la Cinquième Académie spirituelle du Monastère de la Présentation ).

La chorale MÉLODI, dirigée par Divna Ljubojevic,(…) un ensemble noble aux sons finement équilibrés, réalisant des interprétations des chants sacrés byzantins, serbes, russes et bulgares d’une très haute portée (" Journal de Novi Sad ", 3 octobre 1996, à l’occasion du deuxième Festival de Musique Sacrée de Novi Sad).

12 juin 2006

De l'extérieur à l'intérieur, de l'intérieur au supérieur ...



Conférence de Bertrand Vergely sur le thème :
"(…) là où est l’Eglise, là est aussi l’Esprit de Dieu ; et là où est l’Esprit de Dieu, là est l’Eglise et toute grâce."
Lieu : Paroisse Saint Séraphin de Sarov, 91, rue Lecourbe, Paris 15e
dimanche, 11 juin 2006




Lorsqu'on a à faire à la vie humaine, nous nous apercevons que celle-ci passe toujours par deux moments paradoxaux : le premier est celui qui correspond aux nécessités, le second est celui qui correspond à la liberté.

Pour vivre, il faut avoir un toit, se protéger, il faut s'insérer dans une communauté et puis il faut aussi participer à une œuvre qui fait que la vie que l'on a ne nous apparaîtra pas comme vaine. Un homme a trois maisons. Il a la maison qui le protège de la nature, il a la maison des autres et de la société, il a la maison du sens qu'il donne à sa vie et qui lui permet de quitter ce monde en ayant l'impression d'avoir œuvré à ce monde.

Mais là où apparaît le paradoxe c’est que si il faut rentrer dans une maison, il faut aussi en sortir. Si la maison dans laquelle nous sommes n’a ni porte ni fenêtre, ce n'est plus une maison mais une prison et un tombeau. Et là où commence le paradoxe de la vie humaine, c'est que si un jour il faut construire sa maison, un jour il faut la déconstruire. Il faut faire le contraire de ce que l'on a fait ; ainsi il faut quitter la maison de la nature, la maison protectrice pour aller vers la liberté et se rendre compte que l'homme n'est pas simplement fait pour se protéger mais il est fait pour aller partout dans le monde qui est sa maison. Socrate disait de lui « je suis un citoyen du monde ».
Il est bon de s'insérer dans une communauté mais il faut aussi en sortir sinon on ne rencontre pas l'originalité des hommes, leur talent, leur individualité, leur génie, ce qui donne tout son sel à la culture.

Enfin si il est bon d'avoir du sens, de s'insérer dans quelque chose qui est une oeuvre constructive, il importe d'apercevoir que la vie humaine passe aussi par quelque chose qui va dans tous les sens et qui n’obéit pas à un seul sens unique.

Autrement l'existence humaine est déroutante plus qu’elle nous demande de construire et ensuite de nous défaire de ce que nous avons construit. D’où les difficultés que nous rencontrons à l'intérieur de nos existences en particulier dans le domaine de l'éducation et dans le domaine également de la vie sociale et politique où il faut faire une chose et son contraire.

C’est ce qui fait que parfois, à cause de ces contradictions, de ces oppositions, il nous arrive de désespérer jusqu'à ce qu’un autre regard se fasse et nous fasse comprendre que l'existence humaine n'est pas absurde. Pourquoi ne demande-t-elle une chose et son contraire ? Pourquoi faut-il à certains moments de la vie construire et à d'autres moments défaire ?
Là intervient un regard autre. Si nous devons défaire les choses, si nous devons construire notre monde puis nous libérer du monde que nous avons construit, c'est parce que nous sommes appelés à un autre monde.

Le paradoxe de la vie humaine s'éclaire dès lors. La vie nous fait naître et la vie nous fait mourir. Elle nous fait rentrer dans le monde et elle nous fait quitter le monde, cela n'est pas absurde, cela veut dire qu'un autre monde nous attend, un monde supérieur. C'est lui qui est la raison d'être des contradictions que nous rencontrons dans nos vies, des contradictions qui peuvent nous amener au désespoir et au sens de l'absurde jusqu'au moment où, rentrant dans l'absurde et ce qui est cause du désespoir, au lieu de désespérer, parce que nous regardons les choses autrement, nous sommes libérés de l’absurde et du désespoir et nous nous rendons compte de l'inouï de la vie humaine. Il y a dans l'existence humaine, quelque chose de supérieur, d’ineffable, d’inouï qui invite cette existence non seulement à l'existence mais à la surexistence. C’est ce que les pères latins avaient si bien résumé en rassemblant leur vision de la théologie par cette belle formule : « De l'extérieur à l'intérieur, de l'intérieur au supérieur ».

Belle manière de commenter ce que la patristique orthodoxe a résumé en disant : « Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu ». Muni de cette vision des choses, nous pouvons comprendre la phrase de saint Irénée : « Là où est l'Eglise, là est l'Esprit, là où est l'Esprit là est l'Eglise ».


Qu’est-ce que c'est que l'église et est qu'est-ce que c'est que l'Esprit.
Quel est le lien qui les unit. Et pourquoi saint Irénée s'est-il exprimé avec ce style balancé et si singulier. L'Eglise désigne trois choses comme l’Esprit désigne trois choses.
L'Eglise désigne trois choses très concrètes. L'église désigne d'abord une assemblée comme le dit son terme originel « ecclésia ». L'assemblée des hommes qui se réunissent dans une communauté avec des intérêts, des croyances, une foi commune. L'Eglise c’est aussi des bâtiments, une maison, une institution. L’Eglise enfin c'est une tradition, une transmission, à travers l'histoire de liens communautaires, de liens culturels, spirituels mais également de bâtiments dans lesquels on trouve des trésors. L’Eglise est un moment nécessaire de la vie humaine : si l’homme n’a pas un toit, des amis et un trésor de culture et de valeur, il ère à la surface de ce monde en danger, solitaire, déraciné.
L'église signifie donc le besoin de protection maternelle que tout être humain a besoin d'avoir s'il ne veut pas périr.

Mais l'église ne constitue pas à elle seule, en ce sens premier, la globalité de la vie humaine. Si il y a l'église extérieure il faut aussi construire l’église intérieure et l'église intérieure de l'homme se construit à travers trois éléments : l'esprit de l'homme c'est d'abord le souffle créateur et volontaire de l'homme. On a l'habitude de définir l’homme dans la tradition orthodoxe en disant que l'homme a une structure trinitaire. Il est corps, âme et esprit.

Qu'est-ce que l'esprit ? L'Esprit est la réunion du corps et de l'âme rassemblés pour être projetés en avant d'une manière créatrice. Le corps c'est ce qui nous singularise dans le visible. L’âme c'est ce qui nous personnalise sur le plan invisible. Et l’Esprit c'est ce qui nous pousse en avant et qui se manifeste en nous par les forces de notre désir, de notre volonté. L'homme est un être d'esprit dans la mesure où il s'insère dans la vie. Quand l’homme désire, quand il agit, quand il veut, qu'est-ce qui se passe ? Il rentre dans l'action, il personnalise le monde autour de lui, il introduit du souffle, de la vie, du dynamisme, de la création et qu'est-ce qui ressort de tout cela ? Il ressort du rayonnement, de la lumière. L'esprit c'est la lumière créatrice de l’homme qui s'est saisi de son corps et de son âme, qui a vécu cela de toute sa chair et qui a fait de ce monde un monde créatif, un monde lumineux, un monde plein de surprises et de découvert faisant entre autres que l'homme va multiplier ses maisons, multiplier ses communautés, multiplier ses traditions. Alors on se rend compte à la faveur de l'esprit de la réalité supérieure.


J'ai parlé tout à l'heure du monde de Dieu du monde élevé dont il est question dans la liturgie. On pourrait penser qu'il y a là quelque chose d'abstrait, quelque chose qui va venir plus tard, Ce monde est déjà présent à l'intérieur de notre vie. Nous nous en rendons compte à l'égard ou au moment de la mort. Quand quelqu'un part ou quand quelqu'un d'important quitte le monde, il ne reste par rien, il reste sa lumière, il reste sa présence. Nous vivons non pas avec les morts mais nous vivons avec la présence universelle des vivants qui ont vécu et qui vivent encore.
En tant que philosophe, je me lève et je me couche avec Platon, Aristote, Descartes et d'autres qui font partie de mon club d'amis et lesquels sont aussi présents qu'ils l'ont été il y a 500 ans, 1000, 2000 ans. Leur rayonnement fait qu'il reste quelque chose d’eux et que, si je vis avec ces morts là, nous vivons tous avec d'autres morts.
Pourquoi ? Parce qu’ayant libéré la force de lumière des êtres vivants et des hommes, ils nous ont fait comprendre l'essence de la réalité. La réalité n'est pas simplement ce que l'on voit ni ce que l'on ne voit pas, mais elle est plus en profondeur. Cette lumière originelle qui nous alimente et qui nous donne de la force pour construire nos maisons, nos sociétés et nos traditions.

Autrement dit, lorsqu’on analyse la construction de la vie humaine, nous apercevons que celle-ci passe par la maison extérieure et la maison intérieure. Nous avons besoin des deux maisons. Si nous ne les avons pas, nous ne pouvons pas vivre. Si nous voulons être un être d'esprit sans nous être donné une maison terrestre et incarnée, sans nous être protégé par un toit, une communauté, des valeurs, une culture, un langage, nous nous brûlons au contact de l'Esprit. Nous ne pouvons pas accéder à certains niveaux de la profondeur des mers ou de la hauteur du ciel sans mettre un scaphandre. Il en va de même pour la vie de l'Esprit. On ne passe pas impunément d'un monde à un autre ou alors on est totalement inconscient et terriblement prétentieux.
Mais l'inverse est vrai, si on ne s’est pas donné également la maison de l'Esprit alors les églises dans lesquelles nous sommes deviennent des tombeaux et des prisons et nous ne pouvons pas y vivre. Le mystère de l'Eglise que nous connaissons est d'être ce lieu dans lequel l'homme va pouvoir en toute sécurité à la fois rentrer dans la terre, s'incarner pour se libérer du monde et ainsi accéder au mystère de son existence.

C'est la raison pour laquelle saint Irénée parle de cet aller et retour entre l'Eglise et l'Esprit l'Esprit et l'Eglise. Il parle des deux formes de l'homme, de la vie humaine pour désigner son niveau supérieur.


Aujourd’hui, le monde dans lequel nous sommes vit déchiré continuellement entre deux tendances de l'existence qui sont lisibles à tous les niveaux de la vie pratique.
Il y a dans la société des éléments conservateurs et il y a des éléments progressistes. Et ces éléments conservateurs et progressistes ne cessent de s'affronter en commettant une erreur symétrique et inverse : les conservateurs oublient qu'il faut progresser et les progressistes oublient qu'il faut conserver. On ne peut progresser qu'en étant protégé et protéger c’est protéger quelque chose et non pas se protéger pour se protéger.
Le monde vit déchiré à cause de ces tensions qui peuvent conduire à des régimes politiques particulièrement dictatoriaux dans un sens comme dans l'autre. Au nom de la conservation quelles oppressions politiques n'a-t-on pas fait régner et au nom du progrès quelle autre oppression n'a-t-on pas fait naître. Le monde autour de nous vit avec ces tensions qui créent des désespoirs, des conflits, de la violence au point qu’on désespère et qu'on a l'impression d'une folie humain. Comment sortir des conflits dans lesquels nous sommes, des meurtrissures, des divisions ? On sort de cette tension non pas en opposant l'Esprit à l'Eglise n'y l’Eglise à l'Esprit mais en réconciliant l'Eglise et l’Esprit.

Regardez aujourd'hui notre époque. Nous sommes dans un monde qui ne veut pas entendre parler de religion et qui préfère le terme de spiritualité. Il se dit que la spiritualité respire la liberté alors que la religion respire l'autoritarisme. On veut la liberté sans le cadre protecteur et l'on tombe dans un religieux sauvage à la carte ou à la longue, à force de se faire sa propre religion, il n'y a plus de religion du tout.
Face à cette spiritualité sauvage, nous assistons surtout chez les populations déshéritées, au désir, au contraire, d'avoir une religion, une inscription identitaire forte au détriment de toute spiritualité et de toute intériorité. Je pense bien sûr ici à l'islam radical qui donne un cadre, des murs, une communauté, des valeurs protectrices à un monde particulièrement déshérité mais je pense aussi, par exemple au fondamentalisme américain que mon ami Jean-François Colosimo a si bien analysé dans son livre « Dieu est américain » où il montre qu'il n'y a pas que les personnalités déshéritées qui se retranchent dans une religion pure et dure par angoisse devant un monde chaotique et révolté.

Nous connaissons aujourd'hui l'opposition entre une Eglise sans Esprit et un Esprit sans Eglise. Face à cette explosion chaotique, nos intellectuels écrivent des livres prêchant le désespoir c'est-à-dire une vie pour rien que l’on vit par un mélange de courage et de générosité. Une manière d'avoir la foi dans un monde sans foi.
Que faire se demandent-t-ils dans un monde où ni la spiritualité n'est satisfaisante ni la religiosité ne l’est non plus. « Vivre pour vivre » comme disait Jean-Luc Godard mais simplement être là. Il existe pourtant non pas une solution mais des réponses. C'est bien celles que l'on trouvent chez saint Irénée qui a l'art d'associer l’Eglise et l'Esprit en les réconciliant et en montrant que le problème de l'homme des sociétés ne réside pas dans l'existence d’églises de religion,s de communautés ou bien à l'inverse dans l'existence d'un esprit libre apparemment chaotique ; le problème de nos sociétés comme de l'homme ne vient pas du conservatisme en tant que tel, du progrès en tant que tel et la solution n'est pas d'éliminer l'un pour garder l’autre ou d’éliminer l’autre pour garder le premier mais il est dans une expérience personnelle du regard. Et c'est cela que nous donne l'Eglise lorsque que l'Eglise accueille l'Esprit et lorsque l'Esprit accueille l’Eglise.



Il y a une parole de Saint-Paul qui est magnifique. C’est lorsque St Paul dit : « Le Corps est pour le Seigneur et le Seigneur est pour le Corps ». Cette parole magnifique, c’est ce qui se passe lorsque, vivant dans l’Eglise, on la vit.

Essayons de vivre dans l’Eglise, spirituellement, l’Eglise. Un miracle s’opère et nous arrivons à trouver ce que le monde cherche sans parvenir à le faire. L’Eglise, cela peut être deux choses, l’Eglise cela peut être l’Eglise extérieure et c’est bien l’Eglise extérieure, jusqu’au moment ou c’est un tombeau. Mais cela peut être aussi l’Eglise intérieure, alors on rencontre quelque chose d’extraordinaire et je voudrais simplement me promener avec vous dans cette Eglise.

La première Eglise que nous connaissons, c’est l’assemblée des hommes. Les juristes aujourd'hui définissent une religion en disant qu’une religion c'est un rassemblement d'hommes autour d'une croyance. C'est vrai mais c’est pauvre. Pourquoi ? Parce que cela nous fait manquer l'essentiel. Qu'est-ce que c'est qu’une assemblée d’hommes ? Mes amis, une assemblée d’homme c'est la même chose que la création du monde. Quand je rencontre quelqu'un d'autre, je fais le même geste que Dieu créant le monde.
C'est pour ça que le Christ dit : «Aime ton prochain comme toi-même et réconcilie-toi avec ton frère. » Il le dit pour des raisons qui ne sont pas simplement des raisons morales mais des raisons de méthode. C'est une voie d'émerveillement. Tout ce qui est vivant ne vit pas enfermé sur lui-même mais vit au-delà de lui-même. Par là même, Dieu qui est vivant va au-delà de lui-même et cet au-delà de lui-même dans la divine Trinité, c'est l'Esprit Saint et au-delà de la divine Trinité c'est l'homme et le monde. « L'homme vivant est la gloire de Dieu » dit saint Irénée. Cette phrase résume la création du monde. Elle explique que Dieu est sorti de lui-même pour manifester sa gloire et sa vie et sa gloire et sa vie ne s'est pas dispersée comme de l'écume mais elle a pris un visage, le visage de l'homme.
Alors, quand je rencontre mon frère, si vraiment je le rencontre, je vais dans la création du monde. Une chose le montre, la structure même de la réalité est marquée par la rencontre. La vie des particules est faite de rencontres, la vie des cellules est faite de rencontres, la vie des êtres vivants et des animaux est faite de rencontres, le monde est un gigantesque espace de rencontre et l’Eglise par ses murs lorsqu'elle abrite les hommes rend potentiellement possible cet espace de rencontre à la fois humain et céleste. On comprend donc pourquoi il est important de réunir l’Eglise et l'Esprit car lorsque l’Eglise et l'Esprit se rencontrent, c'est la création du monde au niveau des personnes.

Par là même on peut comprendre une deuxième chose, c'est l'importance des bâtiments, l'importance de la maison, l'importance des lieux institutionnels dans lesquels les hommes évoluent. Qu'est-ce que c'est qu'une maison ? Une maison c'est un lieu de protection, une maison, cela peut devenir un lieu d'étouffement lorsque c'est une propriété à laquelle je m'accroche, mais une maison cela peut devenir un lieu de transformation. Quand je vis vraiment ma maison, à un moment, j’opère une mutation : ma maison cesse d'être dans le monde et c'est le monde qui rentre dans ma maison.
Alors, je deviens cet homme dont Martin Heidegger parlait en citant Ölderlin lorsqu'il proposait à l'humanité de pouvoir habiter le monde en poète. Pourquoi habiter le monde en poète ? Habiter le monde en poète, c’est être habité, pénétré par toutes les forces du cosmos qui vont me pousser en avant pour les libérer et alors je vais libérer le mystère de l'espace et du temps et je vais peu à peu me libérer et libérer le monde de l'espace-temps.
Qu'est-ce que c'est que l'espace ? Qu'est-ce que c'est que le temps ? L'espace et le temps sont la même chose vue sous deux points de vue différents. Ce sont les deux points de vues possible de l'extension : il y a l'extension visible de l'espace, il y a l'extension invisible du temps, il y a à travers l'espace et le temps l'extension tout court du mystère de la vie dont les physiciens aujourd'hui se font les témoins en disant que l'univers est en expansion.

On a l'impression de toucher là, à travers la description de la physique, ce que dit la théologie parce qu'elle ne s'explique que Dieu est sorti de lui-même pour donner naissance à l'homme.
Nous sommes encore et toujours dans la création du monde et au sein du monde nous avons un espace et un temps qui expriment l'extension originelle de Dieu hors de lui-même.
L'espace et le temps dont Newton disait qu'ils sont les sens de Dieu, la sensibilité divine. L’Eglise nous offre un espace et un temps. Rentrer dans l’église, c’est changer de corps, c’est rentrer dans un corps spirituel qui nous permet d'être en contact avec l'extension divine.
Comment cela ? C’est beau que dans la ville, il y ait un espace consacré ou tout d’un coup le monde s’arrête. Je me souviens un jour de ce sentiment extraordinaire que j’ai eu dans l’île de Naxos, petit village grouillant d’activité et de chaleur et au milieu de ce qui ressemblait à un souk, une petite église fraîche, obscure avec une icône et un cierge et ce moment de rassemblement que nous avons tous eu en rentrant dans l’église et en passant tout à coup dans un autre espace, un autre temps, en connaissant cette extension intérieure qui nous fait tant de bien lorsque nous sortons de l’église apaisé.

L’église est un lieu de transformation magnifique parce qu'elle se sépare d'un espace désorienté pour permettre de vivre un espace orienté grâce à une suspension du temps. L’église est là pour nous faire connaître le repos. Le repos nous le connaissons lorsqu’à un moment, nous apaisant, écoutant les chants, laissant chanter en nous l’existence louée magnifiée, par les pères qui ont fait la divine liturgie, nous pénétrons dans l’essentiel qui nous parle de notre vie, de la fin de la mort, de la fin de la souffrance et du début de l'éternité et nous nous rencontrons, nous rendons compte que l'humanité est une et qu'il y a du hors temps, du hors espace parce qu’il y a une dimension essentielle faisant que la vie est infiniment digne de respect et d'amour.

Ce que fait l'église est gigantesque et nous le ressentons dans la paix de nos coeurs qui permet d'introduire dans la relation humaine l’espace de la relation et le temps de la relation ou ceux qui le goûte nous disent, c'est curieux, c'est bizarre je me sens apaisé à ton contact et nous avons tous dis : si tu te sens apaisé et je n'y suis pour rien, cela ne vient pas de moi cela vient à travers moi. C'est un signe pour nous avons parlé de choses essentielles, nous avons fait Eglise, nous sommes rentrés ensemble dans le hors espace et le hors temps et tu commences à en goûter les délices.


Alors, alors, chers amis lorsque nous avons rencontré la création du monde, lorsque nous avons rencontré la construction du monde nous n'avons pas encore tout rencontré, il nous manque une chose c'est de rencontrer le salut du monde. La réponse que nous attendons tous par rapport à nos souffrances, par rapport au mal régnant sur terre, par rapport à la mort
.
C’est là que se trouve tout le mystère de l'Eglise c'est là que se trouve le mystère de l'Esprit Nous l'avons tous vécu. A un moment de la vie, nous avons tous été confrontés à des épreuves, à un désespoir, à quelque chose que nous ne savions pas nommer. C'est particulièrement visible lorsqu'on accompagne quelqu'un qui meure. Lorsqu’on accompagne quelqu'un qui meure, on rencontre son impuissance. On se rend compte qu'à un moment, il, elle va partir et on ne sait plus quoi faire, on ne sait plus quoi dire. Mais dans ce néant, dans ce désert il y a un miracle immense qui se fait. Il suffit d'être là pour que cela suffise et que quelque chose d'essentiel se transmette simplement par notre « être là ».
A certains moments de la vie, il n'y a plus rien, mais c'est là que jaillit l'Etre à l'état pur et nous nous rencontrons nous rendons compte de la merveille des merveilles. A ce moment-là nous ne sommes plus seul. Ce n'est plus nous qui vivons c'est quelque chose qui vit en nous et c'est parce que quelque chose et mieux encore quelqu'un vit en nous que nous sommes capables de faire face à la mort, d'accompagner ceux que nous avons aimé, de supporter nos propres souffrances. La mort, la souffrance, la présence des hommes dans le monde malgré les déchirements, le mal et la tragédie est incompréhensible. S'il n'y avait pas quelque chose de plus fort que l'homme nous ne comprenons pas comment celui-ci pourrait vivre.

Là nous touchons au mystère absolu et au salut qui a raison de tout désespoir et qui a raison de tout découragement. Qu'est-ce qui nous a permis dans la vie de faire face à des situations difficiles ? Réponse : je ne le sais pas. Je sais une chose, c'est que simplement, par le fait de vivre avec foi et humilité, en me tenant dans la vie sans savoir, j’ai laissé parler la vie et elle est venue à mon secours.

Mes amis, il y a cette parole dans l'épître aux Romains qui nous explique le fond du mystère de l'Eglise comme le fond du mystère de l'Esprit Saint. Il existe deux sortes de vie en nous : la vie que l'on vit et la vie qui se vit en nous. Nous croyons souvent que nous vivons parce que nous le voulons, nous vivons parce que nous le voulons mais nous vivons également parce que nous sommes vécus. Il y a une vie qui se vit en nous. Celle-ci nous avertit sans cesse : témoin saint Augustin, se rendant compte de ses erreurs, témoin Raskolnikov étant capable d'un retournement intérieur pour comprendre ses crimes. Cette vie nous protège, cette vie même nous donne de l'humour. Comment pouvons-nous à un moment désamorcer des situations difficiles grâce à cet esprit d'à propos prodigieux dont on ne sait d'où il vient mais dont on sait qu'à un moment il a été capable de surmonter les difficultés. Ce n'est plus compréhensible par le simple intellect humain, cela ne peut que se recevoir, s’aimer et se contempler. Et en ce sens l’Eglise qui est ce lieu de contemplation d'amour et de réception nous prépare à rencontrer cette deuxième vie qui vit en nous et qui fait que retournant dans le monde nous allons pouvoir à un moment simplement en nous tenant dans notre existence, laisser venir la force de création, la force de construction et la force de salut.