30 avril 2007

Me nettoyer l'âme au Karcher


J'ai couru vers la mer, pour être au plus près de ce qui m'attendait le lendemain. En bas, entre deux rochers, une plate-forme de pierre, avec une digue et une vieille barque attachée à un treuil rouillé et rongé par le sel. Et en face, le fameux îlot, ramassé sur lui­même comme une carapace de tortue surgissant de la mer qui clapotait furieusement devant mes pieds.


Le silence était parfait. Rien d'autre que le bruit des vagues. Rien d'humain. Je comprenais Octave d'un seul coup. C'est peut-être cela que j'étais venu chercher. Me laver le corps dans un silence parfait. Me nettoyer l'âme au Karcher. Jeter par-dessus bord tout ce qui encombrait et qu'on nous foute une paix royale. Dispa­raître enfin. Me mettre en stand-by pour des siècles. Un endroit où l'essentiel serait à portée de regard.


Ne plus penser au boulot, à l'ambition, à baiser des nanas et à pleurer le matin sur l'oreiller pour le temps et l'amour à jamais perdus. Casser tout rêve en le dénonçant immé­diatement comme une chimère. Ne pas vouloir être une star de la télé et refuser la fausse bataille qu'on nous imposait. Ne plus avoir comme unique alternative la cocaïne ou les cocktails vodka-tonic pour supporter la vie et tenir. Ne plus courir après les prétendus hon­neurs, être reconnu par cent personnes, être invité dans «les fêtes qui comptent". Ne plus se laisser emmerder par tous les cons qui voulaient notre place, si petite fût­ elle, envoyer se faire foutre tous ceux qui voulaient nous la mettre en douceur.


En finir avec le monde d'une tout autre façon que la mort : ramasser son être entier en une seule boule chaude sous les côtes, et entrer dès maintenant au paradis.


Je le détestais moins soudainement. Il pouvait être fier de ce qu'il avait fait. Il avait dit merde au monde qui n'était plus un monde mais un enfer. Il avait fait un gigantesque bras d'honneur aux faux plaisirs. Il les avait niqués sur toute la ligne. On verrait demain. J'étais peut-être venu là pour prendre une bonne leçon.



Interdit à toute femme et à toute femelle.

Christophe ONO-DIT-BIOT