12 juin 2006

De l'extérieur à l'intérieur, de l'intérieur au supérieur ...



Conférence de Bertrand Vergely sur le thème :
"(…) là où est l’Eglise, là est aussi l’Esprit de Dieu ; et là où est l’Esprit de Dieu, là est l’Eglise et toute grâce."
Lieu : Paroisse Saint Séraphin de Sarov, 91, rue Lecourbe, Paris 15e
dimanche, 11 juin 2006




Lorsqu'on a à faire à la vie humaine, nous nous apercevons que celle-ci passe toujours par deux moments paradoxaux : le premier est celui qui correspond aux nécessités, le second est celui qui correspond à la liberté.

Pour vivre, il faut avoir un toit, se protéger, il faut s'insérer dans une communauté et puis il faut aussi participer à une œuvre qui fait que la vie que l'on a ne nous apparaîtra pas comme vaine. Un homme a trois maisons. Il a la maison qui le protège de la nature, il a la maison des autres et de la société, il a la maison du sens qu'il donne à sa vie et qui lui permet de quitter ce monde en ayant l'impression d'avoir œuvré à ce monde.

Mais là où apparaît le paradoxe c’est que si il faut rentrer dans une maison, il faut aussi en sortir. Si la maison dans laquelle nous sommes n’a ni porte ni fenêtre, ce n'est plus une maison mais une prison et un tombeau. Et là où commence le paradoxe de la vie humaine, c'est que si un jour il faut construire sa maison, un jour il faut la déconstruire. Il faut faire le contraire de ce que l'on a fait ; ainsi il faut quitter la maison de la nature, la maison protectrice pour aller vers la liberté et se rendre compte que l'homme n'est pas simplement fait pour se protéger mais il est fait pour aller partout dans le monde qui est sa maison. Socrate disait de lui « je suis un citoyen du monde ».
Il est bon de s'insérer dans une communauté mais il faut aussi en sortir sinon on ne rencontre pas l'originalité des hommes, leur talent, leur individualité, leur génie, ce qui donne tout son sel à la culture.

Enfin si il est bon d'avoir du sens, de s'insérer dans quelque chose qui est une oeuvre constructive, il importe d'apercevoir que la vie humaine passe aussi par quelque chose qui va dans tous les sens et qui n’obéit pas à un seul sens unique.

Autrement l'existence humaine est déroutante plus qu’elle nous demande de construire et ensuite de nous défaire de ce que nous avons construit. D’où les difficultés que nous rencontrons à l'intérieur de nos existences en particulier dans le domaine de l'éducation et dans le domaine également de la vie sociale et politique où il faut faire une chose et son contraire.

C’est ce qui fait que parfois, à cause de ces contradictions, de ces oppositions, il nous arrive de désespérer jusqu'à ce qu’un autre regard se fasse et nous fasse comprendre que l'existence humaine n'est pas absurde. Pourquoi ne demande-t-elle une chose et son contraire ? Pourquoi faut-il à certains moments de la vie construire et à d'autres moments défaire ?
Là intervient un regard autre. Si nous devons défaire les choses, si nous devons construire notre monde puis nous libérer du monde que nous avons construit, c'est parce que nous sommes appelés à un autre monde.

Le paradoxe de la vie humaine s'éclaire dès lors. La vie nous fait naître et la vie nous fait mourir. Elle nous fait rentrer dans le monde et elle nous fait quitter le monde, cela n'est pas absurde, cela veut dire qu'un autre monde nous attend, un monde supérieur. C'est lui qui est la raison d'être des contradictions que nous rencontrons dans nos vies, des contradictions qui peuvent nous amener au désespoir et au sens de l'absurde jusqu'au moment où, rentrant dans l'absurde et ce qui est cause du désespoir, au lieu de désespérer, parce que nous regardons les choses autrement, nous sommes libérés de l’absurde et du désespoir et nous nous rendons compte de l'inouï de la vie humaine. Il y a dans l'existence humaine, quelque chose de supérieur, d’ineffable, d’inouï qui invite cette existence non seulement à l'existence mais à la surexistence. C’est ce que les pères latins avaient si bien résumé en rassemblant leur vision de la théologie par cette belle formule : « De l'extérieur à l'intérieur, de l'intérieur au supérieur ».

Belle manière de commenter ce que la patristique orthodoxe a résumé en disant : « Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu ». Muni de cette vision des choses, nous pouvons comprendre la phrase de saint Irénée : « Là où est l'Eglise, là est l'Esprit, là où est l'Esprit là est l'Eglise ».


Qu’est-ce que c'est que l'église et est qu'est-ce que c'est que l'Esprit.
Quel est le lien qui les unit. Et pourquoi saint Irénée s'est-il exprimé avec ce style balancé et si singulier. L'Eglise désigne trois choses comme l’Esprit désigne trois choses.
L'Eglise désigne trois choses très concrètes. L'église désigne d'abord une assemblée comme le dit son terme originel « ecclésia ». L'assemblée des hommes qui se réunissent dans une communauté avec des intérêts, des croyances, une foi commune. L'Eglise c’est aussi des bâtiments, une maison, une institution. L’Eglise enfin c'est une tradition, une transmission, à travers l'histoire de liens communautaires, de liens culturels, spirituels mais également de bâtiments dans lesquels on trouve des trésors. L’Eglise est un moment nécessaire de la vie humaine : si l’homme n’a pas un toit, des amis et un trésor de culture et de valeur, il ère à la surface de ce monde en danger, solitaire, déraciné.
L'église signifie donc le besoin de protection maternelle que tout être humain a besoin d'avoir s'il ne veut pas périr.

Mais l'église ne constitue pas à elle seule, en ce sens premier, la globalité de la vie humaine. Si il y a l'église extérieure il faut aussi construire l’église intérieure et l'église intérieure de l'homme se construit à travers trois éléments : l'esprit de l'homme c'est d'abord le souffle créateur et volontaire de l'homme. On a l'habitude de définir l’homme dans la tradition orthodoxe en disant que l'homme a une structure trinitaire. Il est corps, âme et esprit.

Qu'est-ce que l'esprit ? L'Esprit est la réunion du corps et de l'âme rassemblés pour être projetés en avant d'une manière créatrice. Le corps c'est ce qui nous singularise dans le visible. L’âme c'est ce qui nous personnalise sur le plan invisible. Et l’Esprit c'est ce qui nous pousse en avant et qui se manifeste en nous par les forces de notre désir, de notre volonté. L'homme est un être d'esprit dans la mesure où il s'insère dans la vie. Quand l’homme désire, quand il agit, quand il veut, qu'est-ce qui se passe ? Il rentre dans l'action, il personnalise le monde autour de lui, il introduit du souffle, de la vie, du dynamisme, de la création et qu'est-ce qui ressort de tout cela ? Il ressort du rayonnement, de la lumière. L'esprit c'est la lumière créatrice de l’homme qui s'est saisi de son corps et de son âme, qui a vécu cela de toute sa chair et qui a fait de ce monde un monde créatif, un monde lumineux, un monde plein de surprises et de découvert faisant entre autres que l'homme va multiplier ses maisons, multiplier ses communautés, multiplier ses traditions. Alors on se rend compte à la faveur de l'esprit de la réalité supérieure.


J'ai parlé tout à l'heure du monde de Dieu du monde élevé dont il est question dans la liturgie. On pourrait penser qu'il y a là quelque chose d'abstrait, quelque chose qui va venir plus tard, Ce monde est déjà présent à l'intérieur de notre vie. Nous nous en rendons compte à l'égard ou au moment de la mort. Quand quelqu'un part ou quand quelqu'un d'important quitte le monde, il ne reste par rien, il reste sa lumière, il reste sa présence. Nous vivons non pas avec les morts mais nous vivons avec la présence universelle des vivants qui ont vécu et qui vivent encore.
En tant que philosophe, je me lève et je me couche avec Platon, Aristote, Descartes et d'autres qui font partie de mon club d'amis et lesquels sont aussi présents qu'ils l'ont été il y a 500 ans, 1000, 2000 ans. Leur rayonnement fait qu'il reste quelque chose d’eux et que, si je vis avec ces morts là, nous vivons tous avec d'autres morts.
Pourquoi ? Parce qu’ayant libéré la force de lumière des êtres vivants et des hommes, ils nous ont fait comprendre l'essence de la réalité. La réalité n'est pas simplement ce que l'on voit ni ce que l'on ne voit pas, mais elle est plus en profondeur. Cette lumière originelle qui nous alimente et qui nous donne de la force pour construire nos maisons, nos sociétés et nos traditions.

Autrement dit, lorsqu’on analyse la construction de la vie humaine, nous apercevons que celle-ci passe par la maison extérieure et la maison intérieure. Nous avons besoin des deux maisons. Si nous ne les avons pas, nous ne pouvons pas vivre. Si nous voulons être un être d'esprit sans nous être donné une maison terrestre et incarnée, sans nous être protégé par un toit, une communauté, des valeurs, une culture, un langage, nous nous brûlons au contact de l'Esprit. Nous ne pouvons pas accéder à certains niveaux de la profondeur des mers ou de la hauteur du ciel sans mettre un scaphandre. Il en va de même pour la vie de l'Esprit. On ne passe pas impunément d'un monde à un autre ou alors on est totalement inconscient et terriblement prétentieux.
Mais l'inverse est vrai, si on ne s’est pas donné également la maison de l'Esprit alors les églises dans lesquelles nous sommes deviennent des tombeaux et des prisons et nous ne pouvons pas y vivre. Le mystère de l'Eglise que nous connaissons est d'être ce lieu dans lequel l'homme va pouvoir en toute sécurité à la fois rentrer dans la terre, s'incarner pour se libérer du monde et ainsi accéder au mystère de son existence.

C'est la raison pour laquelle saint Irénée parle de cet aller et retour entre l'Eglise et l'Esprit l'Esprit et l'Eglise. Il parle des deux formes de l'homme, de la vie humaine pour désigner son niveau supérieur.


Aujourd’hui, le monde dans lequel nous sommes vit déchiré continuellement entre deux tendances de l'existence qui sont lisibles à tous les niveaux de la vie pratique.
Il y a dans la société des éléments conservateurs et il y a des éléments progressistes. Et ces éléments conservateurs et progressistes ne cessent de s'affronter en commettant une erreur symétrique et inverse : les conservateurs oublient qu'il faut progresser et les progressistes oublient qu'il faut conserver. On ne peut progresser qu'en étant protégé et protéger c’est protéger quelque chose et non pas se protéger pour se protéger.
Le monde vit déchiré à cause de ces tensions qui peuvent conduire à des régimes politiques particulièrement dictatoriaux dans un sens comme dans l'autre. Au nom de la conservation quelles oppressions politiques n'a-t-on pas fait régner et au nom du progrès quelle autre oppression n'a-t-on pas fait naître. Le monde autour de nous vit avec ces tensions qui créent des désespoirs, des conflits, de la violence au point qu’on désespère et qu'on a l'impression d'une folie humain. Comment sortir des conflits dans lesquels nous sommes, des meurtrissures, des divisions ? On sort de cette tension non pas en opposant l'Esprit à l'Eglise n'y l’Eglise à l'Esprit mais en réconciliant l'Eglise et l’Esprit.

Regardez aujourd'hui notre époque. Nous sommes dans un monde qui ne veut pas entendre parler de religion et qui préfère le terme de spiritualité. Il se dit que la spiritualité respire la liberté alors que la religion respire l'autoritarisme. On veut la liberté sans le cadre protecteur et l'on tombe dans un religieux sauvage à la carte ou à la longue, à force de se faire sa propre religion, il n'y a plus de religion du tout.
Face à cette spiritualité sauvage, nous assistons surtout chez les populations déshéritées, au désir, au contraire, d'avoir une religion, une inscription identitaire forte au détriment de toute spiritualité et de toute intériorité. Je pense bien sûr ici à l'islam radical qui donne un cadre, des murs, une communauté, des valeurs protectrices à un monde particulièrement déshérité mais je pense aussi, par exemple au fondamentalisme américain que mon ami Jean-François Colosimo a si bien analysé dans son livre « Dieu est américain » où il montre qu'il n'y a pas que les personnalités déshéritées qui se retranchent dans une religion pure et dure par angoisse devant un monde chaotique et révolté.

Nous connaissons aujourd'hui l'opposition entre une Eglise sans Esprit et un Esprit sans Eglise. Face à cette explosion chaotique, nos intellectuels écrivent des livres prêchant le désespoir c'est-à-dire une vie pour rien que l’on vit par un mélange de courage et de générosité. Une manière d'avoir la foi dans un monde sans foi.
Que faire se demandent-t-ils dans un monde où ni la spiritualité n'est satisfaisante ni la religiosité ne l’est non plus. « Vivre pour vivre » comme disait Jean-Luc Godard mais simplement être là. Il existe pourtant non pas une solution mais des réponses. C'est bien celles que l'on trouvent chez saint Irénée qui a l'art d'associer l’Eglise et l'Esprit en les réconciliant et en montrant que le problème de l'homme des sociétés ne réside pas dans l'existence d’églises de religion,s de communautés ou bien à l'inverse dans l'existence d'un esprit libre apparemment chaotique ; le problème de nos sociétés comme de l'homme ne vient pas du conservatisme en tant que tel, du progrès en tant que tel et la solution n'est pas d'éliminer l'un pour garder l’autre ou d’éliminer l’autre pour garder le premier mais il est dans une expérience personnelle du regard. Et c'est cela que nous donne l'Eglise lorsque que l'Eglise accueille l'Esprit et lorsque l'Esprit accueille l’Eglise.



Il y a une parole de Saint-Paul qui est magnifique. C’est lorsque St Paul dit : « Le Corps est pour le Seigneur et le Seigneur est pour le Corps ». Cette parole magnifique, c’est ce qui se passe lorsque, vivant dans l’Eglise, on la vit.

Essayons de vivre dans l’Eglise, spirituellement, l’Eglise. Un miracle s’opère et nous arrivons à trouver ce que le monde cherche sans parvenir à le faire. L’Eglise, cela peut être deux choses, l’Eglise cela peut être l’Eglise extérieure et c’est bien l’Eglise extérieure, jusqu’au moment ou c’est un tombeau. Mais cela peut être aussi l’Eglise intérieure, alors on rencontre quelque chose d’extraordinaire et je voudrais simplement me promener avec vous dans cette Eglise.

La première Eglise que nous connaissons, c’est l’assemblée des hommes. Les juristes aujourd'hui définissent une religion en disant qu’une religion c'est un rassemblement d'hommes autour d'une croyance. C'est vrai mais c’est pauvre. Pourquoi ? Parce que cela nous fait manquer l'essentiel. Qu'est-ce que c'est qu’une assemblée d’hommes ? Mes amis, une assemblée d’homme c'est la même chose que la création du monde. Quand je rencontre quelqu'un d'autre, je fais le même geste que Dieu créant le monde.
C'est pour ça que le Christ dit : «Aime ton prochain comme toi-même et réconcilie-toi avec ton frère. » Il le dit pour des raisons qui ne sont pas simplement des raisons morales mais des raisons de méthode. C'est une voie d'émerveillement. Tout ce qui est vivant ne vit pas enfermé sur lui-même mais vit au-delà de lui-même. Par là même, Dieu qui est vivant va au-delà de lui-même et cet au-delà de lui-même dans la divine Trinité, c'est l'Esprit Saint et au-delà de la divine Trinité c'est l'homme et le monde. « L'homme vivant est la gloire de Dieu » dit saint Irénée. Cette phrase résume la création du monde. Elle explique que Dieu est sorti de lui-même pour manifester sa gloire et sa vie et sa gloire et sa vie ne s'est pas dispersée comme de l'écume mais elle a pris un visage, le visage de l'homme.
Alors, quand je rencontre mon frère, si vraiment je le rencontre, je vais dans la création du monde. Une chose le montre, la structure même de la réalité est marquée par la rencontre. La vie des particules est faite de rencontres, la vie des cellules est faite de rencontres, la vie des êtres vivants et des animaux est faite de rencontres, le monde est un gigantesque espace de rencontre et l’Eglise par ses murs lorsqu'elle abrite les hommes rend potentiellement possible cet espace de rencontre à la fois humain et céleste. On comprend donc pourquoi il est important de réunir l’Eglise et l'Esprit car lorsque l’Eglise et l'Esprit se rencontrent, c'est la création du monde au niveau des personnes.

Par là même on peut comprendre une deuxième chose, c'est l'importance des bâtiments, l'importance de la maison, l'importance des lieux institutionnels dans lesquels les hommes évoluent. Qu'est-ce que c'est qu'une maison ? Une maison c'est un lieu de protection, une maison, cela peut devenir un lieu d'étouffement lorsque c'est une propriété à laquelle je m'accroche, mais une maison cela peut devenir un lieu de transformation. Quand je vis vraiment ma maison, à un moment, j’opère une mutation : ma maison cesse d'être dans le monde et c'est le monde qui rentre dans ma maison.
Alors, je deviens cet homme dont Martin Heidegger parlait en citant Ölderlin lorsqu'il proposait à l'humanité de pouvoir habiter le monde en poète. Pourquoi habiter le monde en poète ? Habiter le monde en poète, c’est être habité, pénétré par toutes les forces du cosmos qui vont me pousser en avant pour les libérer et alors je vais libérer le mystère de l'espace et du temps et je vais peu à peu me libérer et libérer le monde de l'espace-temps.
Qu'est-ce que c'est que l'espace ? Qu'est-ce que c'est que le temps ? L'espace et le temps sont la même chose vue sous deux points de vue différents. Ce sont les deux points de vues possible de l'extension : il y a l'extension visible de l'espace, il y a l'extension invisible du temps, il y a à travers l'espace et le temps l'extension tout court du mystère de la vie dont les physiciens aujourd'hui se font les témoins en disant que l'univers est en expansion.

On a l'impression de toucher là, à travers la description de la physique, ce que dit la théologie parce qu'elle ne s'explique que Dieu est sorti de lui-même pour donner naissance à l'homme.
Nous sommes encore et toujours dans la création du monde et au sein du monde nous avons un espace et un temps qui expriment l'extension originelle de Dieu hors de lui-même.
L'espace et le temps dont Newton disait qu'ils sont les sens de Dieu, la sensibilité divine. L’Eglise nous offre un espace et un temps. Rentrer dans l’église, c’est changer de corps, c’est rentrer dans un corps spirituel qui nous permet d'être en contact avec l'extension divine.
Comment cela ? C’est beau que dans la ville, il y ait un espace consacré ou tout d’un coup le monde s’arrête. Je me souviens un jour de ce sentiment extraordinaire que j’ai eu dans l’île de Naxos, petit village grouillant d’activité et de chaleur et au milieu de ce qui ressemblait à un souk, une petite église fraîche, obscure avec une icône et un cierge et ce moment de rassemblement que nous avons tous eu en rentrant dans l’église et en passant tout à coup dans un autre espace, un autre temps, en connaissant cette extension intérieure qui nous fait tant de bien lorsque nous sortons de l’église apaisé.

L’église est un lieu de transformation magnifique parce qu'elle se sépare d'un espace désorienté pour permettre de vivre un espace orienté grâce à une suspension du temps. L’église est là pour nous faire connaître le repos. Le repos nous le connaissons lorsqu’à un moment, nous apaisant, écoutant les chants, laissant chanter en nous l’existence louée magnifiée, par les pères qui ont fait la divine liturgie, nous pénétrons dans l’essentiel qui nous parle de notre vie, de la fin de la mort, de la fin de la souffrance et du début de l'éternité et nous nous rencontrons, nous rendons compte que l'humanité est une et qu'il y a du hors temps, du hors espace parce qu’il y a une dimension essentielle faisant que la vie est infiniment digne de respect et d'amour.

Ce que fait l'église est gigantesque et nous le ressentons dans la paix de nos coeurs qui permet d'introduire dans la relation humaine l’espace de la relation et le temps de la relation ou ceux qui le goûte nous disent, c'est curieux, c'est bizarre je me sens apaisé à ton contact et nous avons tous dis : si tu te sens apaisé et je n'y suis pour rien, cela ne vient pas de moi cela vient à travers moi. C'est un signe pour nous avons parlé de choses essentielles, nous avons fait Eglise, nous sommes rentrés ensemble dans le hors espace et le hors temps et tu commences à en goûter les délices.


Alors, alors, chers amis lorsque nous avons rencontré la création du monde, lorsque nous avons rencontré la construction du monde nous n'avons pas encore tout rencontré, il nous manque une chose c'est de rencontrer le salut du monde. La réponse que nous attendons tous par rapport à nos souffrances, par rapport au mal régnant sur terre, par rapport à la mort
.
C’est là que se trouve tout le mystère de l'Eglise c'est là que se trouve le mystère de l'Esprit Nous l'avons tous vécu. A un moment de la vie, nous avons tous été confrontés à des épreuves, à un désespoir, à quelque chose que nous ne savions pas nommer. C'est particulièrement visible lorsqu'on accompagne quelqu'un qui meure. Lorsqu’on accompagne quelqu'un qui meure, on rencontre son impuissance. On se rend compte qu'à un moment, il, elle va partir et on ne sait plus quoi faire, on ne sait plus quoi dire. Mais dans ce néant, dans ce désert il y a un miracle immense qui se fait. Il suffit d'être là pour que cela suffise et que quelque chose d'essentiel se transmette simplement par notre « être là ».
A certains moments de la vie, il n'y a plus rien, mais c'est là que jaillit l'Etre à l'état pur et nous nous rencontrons nous rendons compte de la merveille des merveilles. A ce moment-là nous ne sommes plus seul. Ce n'est plus nous qui vivons c'est quelque chose qui vit en nous et c'est parce que quelque chose et mieux encore quelqu'un vit en nous que nous sommes capables de faire face à la mort, d'accompagner ceux que nous avons aimé, de supporter nos propres souffrances. La mort, la souffrance, la présence des hommes dans le monde malgré les déchirements, le mal et la tragédie est incompréhensible. S'il n'y avait pas quelque chose de plus fort que l'homme nous ne comprenons pas comment celui-ci pourrait vivre.

Là nous touchons au mystère absolu et au salut qui a raison de tout désespoir et qui a raison de tout découragement. Qu'est-ce qui nous a permis dans la vie de faire face à des situations difficiles ? Réponse : je ne le sais pas. Je sais une chose, c'est que simplement, par le fait de vivre avec foi et humilité, en me tenant dans la vie sans savoir, j’ai laissé parler la vie et elle est venue à mon secours.

Mes amis, il y a cette parole dans l'épître aux Romains qui nous explique le fond du mystère de l'Eglise comme le fond du mystère de l'Esprit Saint. Il existe deux sortes de vie en nous : la vie que l'on vit et la vie qui se vit en nous. Nous croyons souvent que nous vivons parce que nous le voulons, nous vivons parce que nous le voulons mais nous vivons également parce que nous sommes vécus. Il y a une vie qui se vit en nous. Celle-ci nous avertit sans cesse : témoin saint Augustin, se rendant compte de ses erreurs, témoin Raskolnikov étant capable d'un retournement intérieur pour comprendre ses crimes. Cette vie nous protège, cette vie même nous donne de l'humour. Comment pouvons-nous à un moment désamorcer des situations difficiles grâce à cet esprit d'à propos prodigieux dont on ne sait d'où il vient mais dont on sait qu'à un moment il a été capable de surmonter les difficultés. Ce n'est plus compréhensible par le simple intellect humain, cela ne peut que se recevoir, s’aimer et se contempler. Et en ce sens l’Eglise qui est ce lieu de contemplation d'amour et de réception nous prépare à rencontrer cette deuxième vie qui vit en nous et qui fait que retournant dans le monde nous allons pouvoir à un moment simplement en nous tenant dans notre existence, laisser venir la force de création, la force de construction et la force de salut.