14 mai 2006

Montre-moi ta face


Feu et lumière qui resplendissent sur la face du Christ. Feu dont la venue est parole. Feu dont le silence est silence, Feu qui établis nos cœurs dans l’action de grâce, nous te magnifions !
(Saint Ephrem le Syrien IV°siècle)


Avez-vous, à la maison, une icône du Christ ?

Car toute l’histoire de l’humanité bascule autour de cet événement : Dieu a pris un visage d’homme et ce visage est le lieu privilégié de sa révélation. Sur cette conviction repose l’art de l’icône qui suscite toujours autant de fascination à travers les siècles. Tout homme doit pouvoir dire comme les Apôtres : Nous avons vu le Seigneur ! (Jn 20,25) ; grâce à l’icône, nous le pouvons aujourd’hui comme les premiers disciples l’ont pu hier : Ce qui était dès le commencement(…) nous l’avons vu de nos yeux (…) la Vie s’est manifestée, nous l’avons vue et nous en rendons témoignage (1Jn1, 1-3).

L’icône doit trouver sa place à la maison, fait d’elle un temple ; elle sanctifie les lieux et les espaces ; son rayonnement transforme l’atmosphère et neutralise les ondes négatives ; elle donne à la demeure et à tout ce qui y vit un centre où rien de ce monde n’a le dernier mot ; tout s’ouvre vers un Au-delà de lumière et de joie…

Devant l’icône, la prière de Moïse : Fais-moi voir ta gloire, Seigneur (Ex 33,18) et celle des Psaumes : Montre-moi ta face (Ps 27,9), prière qui est au fin fond de chaque homme, trouve enfin le chemin d’une réponse. L’homme pressent que la Shekina, la Gloire de Dieu, repose sur lui, comme elle reposait sur l’Arche d’Alliance. N’est-il pas temple de Dieu ? (1Co 6,19). Et il sait tout autant que son propre visage est habité par la Sainte Face. Le tragique de la liberté humaine, c’est cependant sa faculté de fermer le visage sur l’angoisse et la mort, la déchéance, et même de lui faire prendre « le masque de la bête » (saint Grégoire de Naziance, IV°siècle).

Devant l’icône, la gloire de Dieu nous enveloppe comme la Nuée qui descendait sur le Temple de Salomon dans l’Ancien Testament, et le visage du Christ, illuminé par l’amour plus fort que la mort, déteint sur nous. Il ne s’agit pas là de métaphore ou de paroles pieuses, mais de ce pour quoi l’homme a été créé et qui se réalise effectivement dès qu’il prend ce chemin ! La révélation est très claire à ce sujet : l’homme est créé à l’image (icône) de Dieu et pour la ressemblance avec Lui. Et sur nos visages dévoilés, nous réfléchissons la Gloire du Seigneur et sommes transformés en cette même image, de gloire en gloire (2 Co 3,18). Quand quelqu’un se trouve devant une icône, comme d’ailleurs devant une parole de la Bible, immédiatement, grâce à la prière, l’Esprit Saint se met en route au fond de cet homme pour accomplir ce travail qui est vraiment le Sien.

« L’Esprit avec son irradiation qui éclaire le Fils pénètre dans notre conscience et fortifie en elle la capacité de connaître le Fils, et par Lui, le Père. » (P. Dumitri Staniloaë).

Il introduit dans la profondeur de l’homme l’énergie divine qui se déverse en nous par la vision de l’icône et nous fait participer à la vie de la divine Trinité elle-même. C’est là le seul but de toute icône, quel que soit son contenu : faire entrer dans l’intimité de Dieu. Selon le père Staniloaë : « La conscience ne se sent à l’aise que dans une autre conscience, dans l’étreinte de la conscience amoureuse d’une autre personne. C’est la suprême inhabitation réciproque de deux consciences ».

Face au visage du Christ je reconnais la vérité de mon propre visage ; je me laisse pénétrer de son rayonnement et sens sur ma peau sa lumière qui me rend transparent à mon éternité au fond de moi. Le contempler, Lui, m’associe à son immensité, Il me prend dans sa paix. Je suis en Lui et Lui en moi ; l’icône opère cette greffe où la vie éternelle commence dès maintenant. Comme le disait Jésus : La vie éternelle c’est qu’ils te connaissent toi, le seul véritable Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ (Jn 17,3)

Le mot « connaître », au sens biblique, exprime ici admirablement le contenu de notre relation avec l’icône : naître avec Lui, en Lui. Ma finitude est engloutie dans l’Amour sans limites qui me regarde. Et dans cette communion infinie je déchiffre mon mystère, je suis nommé ; le secret de mon être se dévoile dans le resplendissement du « Soleil de justice ». Dans ma nuit, je vois l’Invisible…

Transparence réciproque, divino-humaine, dans laquelle Dieu étend sa lumière à l’infini et l’homme avance dans cet approfondissement sans fin…L’illumination de la conscience de l’homme par Dieu est le chemin de notre divinisation. Les deux, Dieu et l’homme, « co-naissent » : dans leur union Dieu devient homme et l’homme devient dieu. L’homme naît à ce qui est unique en lui : la personne, mystère abyssal dont la conscience porte la lumière.

Cependant, comme pour percevoir une parole en profondeur il faut une longue écoute, pour apprendre le langage de l’icône il faut durer dans la contemplation…En général, nous jugeons et passons. Mais il s’agit de s’arrêter et de rester, puis de se laisser faire, longuement. L’action de l’icône est longue et profonde durant toute la liturgie, c’est là son lieu privilégié, mais cette action liturgique se poursuit aussi dans le face-à-face prolongé chez soi. On peut s’asseoir devant l’icône ou rester debout. Ceux qui ont l’habitude de méditer peuvent prendre une posture, sur les talons ou le petit banc.

Mais assis ou debout, il est toujours important de se détendre au départ, surtout dans la nuque et les épaules, d’être centré et d’avoir une respiration abdominale profonde. Devenir tout entier coupe et accueil, être là, pleinement conscient, et ne plus objectiver ou maintenir à distance ce qui est au-dehors. Plus j’entre dans le sentir, dans l’intériorité du sentir et sa profondeur, si vraiment je « demeure » en lui (Jn 15), plus je découvre ce que les Pères appellent « la sensation du Divin ».

A tous les autres moments nous pouvons être dissociés, le moment de la sensation est nécessairement celui de la présence. Présence à soi, présence à Dieu. Le mystère que je contemple sur l’icône est ma propre réalité. Un sentiment (non pas une émotion) tout à fait inaltérable de paix, de joie et d’amour peut alors inonder mon être. Ce sont là des fruits de l’Esprit dont parle saint Paul (Ga 5,22) et qui sont des critères pouvant vérifier l’authenticité de mon expérience.Que l’icône du Christ devienne votre Soleil intérieur et illumine votre demeure, qu’elle soit l’atmosphère que vous respirez tout au long de vos jours !

Avec toute notre affection et à bientôt !

Gorze, Juin 2006
Père Alphonse et Rachel

Centre de Rencontres SpirituellesPrieuré Notre-Dame et St-Thiébault
57680 GORZE
Tel.03 87 52 02 28
E-mail : centre.bethanie@wanadoo.fr
Site web: http://www.centre-bethanie.org/


Texte à méditer :

Comme la lune est lumineuse du soleil, par le fait que nous regardons et réfléchissons dans nos regards la lumière de gloire qui brille sur la face du Christ, nos faces sont illuminées par la même gloire… Cette gloire qui nous transfigure d’une façon permanente est la gloire de Dieu, éternelle, divine, communiquée à nos corps. Evidemment cette transmutation de nature, la chair devenant esprit et gloire, n’est pas visible, mais elle est aussi réelle que si elle était visible.

(P. Louis Cerfaux 20°siècle)