L'amour est art
Saint Macaire d'Égypte, pour évoquer sa vision de l'enfer, parlait de deux personnes liées dos-à-dos, qui jamais, de toute éternité, ne pourraient se voir face à face. L'amour brise les chaînes de la solitude ; il fait s'écrouler les murs de l'égoïsme. Nous ne sommes jamais plus puissants que quand nous sommes, par amour, vulnérables.
Sans sexualité, il n'y a pas de beauté ; sans beauté, il n'y a pas d'âme ; et sans âme, il n'y a pas de Dieu. Homme et femme il les créa (Gn 1,27). C'est ce qui nous est dit immédiatement après la création d'Adam et Ève à l'image et à la ressemblance de Dieu. Pour les Pères orientaux, sans Ève, Adam est incomplet. « La femme est faite en pleine communion avec l'homme : partageant chacun de ses plaisirs, de ses joies, chaque bonne chose, chaque chagrin, chaque douleur » (saint Basile le Grand), « partageant avec lui la grâce divine elle-même » (Clément d'Alexandrie). Écrivant exactement à la même époque que saint Augustin d'Hippone, saint Jean Chrysostome revendique que « l'amour sexuel n'est pas humain ; il est d'origine divine ».
Icône ou idole Certes, il est difficile pour quelqu'un de prendre conscience de la sexualité (de son corps) sans prendre conscience de la sexualité (des corps) des autres. Et ainsi, dans l'union du mariage, l'homme et la femme s'offrent l'un et l'autre à l'image de Dieu dans l'autre personne. Cela n'est pas sans lien avec la rencontre qui se produit dans le cas de l'icône. L'iconographie implique un art. Le mariage, de la même façon implique un art. L'amour n'est pas simplement un acte ; il est art. Le but de cet art de l'amour – comme dans l'iconographie – est de se transfigurer l'un l'autre, de se voir l'un l'autre comme la manifestation du divin Bien-aimé.
S'il y a place pour les icônes dans l'Église, il y a place également pour le mariage et l'amour sexuel. Le corps et l'amour sexuel sont semblables à une icône qui ouvre à la beauté divine et à l'amour divin : « Bénie est la personne qui est arrivée à un amour et à un désir de Dieu semblables à ceux d'un amant fou pour la bien-aimée, générant le feu par le feu, l'éros par l'éros, la passion par la passion, le désir par le désir » (saint Jean Climaque). Voir l'autre comme icône, c'est voir le monde par les yeux de Dieu. C'est abolir la distance entre ce monde et le monde à venir ; c'est parler, sur cette terre et à cette époque-ci, le langage du ciel et du temps à venir ; c'est révéler la dimension sacramentelle de l'amour. Selon une parole apocryphe de Jésus : « Le Royaume des cieux est rendu manifeste quand deux personnes s'aiment ». L'icône nous apprend un autre mode de communication, au-delà du mot écrit ou parlé. On nous apprend non pas à regarder les icônes, mais à regarder à travers elles. De même, nous sommes appelés à pénétrer la surface de la personne que nous aimons, et à révéler la profondeur sacrée qu'elle recèle. En fait, le thème de la procréation est directement lié à cette notion d'icône. À moins que l'amour conjugal n'ouvre le couple au-delà de lui-même, à moins que la relation des deux dans le mariage ne reflète la relation de la Trinité, à moins que l'amour du couple ne s'élargisse d'une façon ou d'une autre, l'amour conjugal, l'icône qu'il est appelé à être, se réduit à une simple idole. Le couple qui s'aime est en tout temps appelé à avancer au-delà du reflet mutuel de l'un dans l'autre ; un miroir n'est pas une icône, mais le reflet de soi-même. Le couple est appelé à devenir une icône de l'Église, une « Église en miniature ». Les dimensions de l'Église révèlent les dimensions du couple marié. De même que nous croyons « en l'Église une, sainte, catholique et apostolique », le couple lui aussi devrait refléter cette même unité, sainteté, plénitude et apostolicité. Cela est important, car l'Église refuse les représentations idéalisées ou romantiques de la vie mariée et de la famille. Ainsi, le couple doit « avoir une progéniture » ; l'amour doit « porter des fruits !. Le paradoxe est là : le couple doit avoir des enfants, même s'il ne peut avoir d'enfants.
d'après AMOUR, MARIAGE ET SEXUALITÉ
par père Jean Chryssavgis
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