20 juillet 2006

La maladie d’amour



On peut être malade du fait de la perte d'un être cher. Malade même à en mourir. Une telle douleur se comprend, quand on aperçoit que la rupture d'un lien affectif touche au fondamental.

Toute relation humaine se construit par le détachement. C'est lui qui évite que l'on dévore l'autre ou que l'on soit dévoré par lui. Lui, donc, qui, préservant de la mort, conserve la vie, en favorisant liberté, accès à la conscience de soi, accomplissement de sa vocation d'homme.

La vie ne cesse de nous poser la question du détachement, qui n'est autre que celle de la vie. Constamment, nous sommes mis en demeure de choisir entre aller de l'avant ou stagner. Fréquemment, nous ajournons ce choix. Nous remettons à plus tard toute décision, en préférant l'homme faible du plaisir immédiat à l'homme fort de la liberté et du devenir.

Quand une rupture affective ou un deuil surviennent, nous ne pouvons plus reculer.
Nous sommes mis en demeure de devoir nous détacher, si nous ne voulons pas mourir de tristesse. Quand on n’a jamais pris l’habitude de le faire, cet instant crucial se transforme en crise aiguë.

Nous nous révélons tel que nous sommes. Trop prisonnier de nous-mêmes, incapables de liberté, nous sombrons dans la maladie. Le fait même de vivre devient une maladie.

La maladie exprime notre liberté perdue, en vivant la maladie en faisant donc de celle-ci une oeuvre on retrouvera sa liberté. Mieux on naît à la vie en comprenant le drame qui se noue en celle-ci.

Bertrand Vergely, Petite philosophie pour jours tristes