26 juillet 2006

Du sublime dans l'abîme - Va vers toi !





L'histoire humaine est terrible, non parce qu'elle est vide, mais parce que l'humanité est promise à la grandeur. La détresse qui la frappe en est le signe. En montrant ce qui a été perdu, elle est la mémoire du sublime dans l'abîme.



Petite philosophie pour jours tristes
Bertrand Vergely







Détresse

Pourquoi Dieu laisse-t-il faire le massacre des enfants ? demande Ivan dans les Frères Karamazov de Dostoîevski. Cette terrible interrogation peut recevoir un début de réponse. Quand les hommes ne font pas de grandes choses, ils font de terribles choses. Quand ce n'est pas leur coeur qui est grand, c'est leur cruauté qui l'est.

On se scandalise de la détresse régnant dans le monde, quand la grandeur perdue de l'humanité crie en nous. Si la mémoire de cette grandeur n'existait pas, nous n'aurions pas le sens de l'injustifiable qui nous fait hurler.

Se révolter, en ce sens, contre l'idée d'une grandeur de l'homme, sous prétexte que l'horreur existe, est une profonde erreur. Il faut se servir de la mémoire de l'homme pour attaquer l'horreur existante et non se servir de l'horreur existante pour attaquer la mémoire de l'homme.

Aliénation

Pascal a pensé qu'il faut un changement intérieur et pas seulement extérieur pour soigner l'humanité. C'est la raison pour laquelle il a parlé de folie concernant celle-ci. Il a voulu signifier qu'il faut plus qu'une science face au mal qui accable les hommes. Une mutation de la personne s'impose.

Venant du latin alienus, l'aliénation caractérise le fait de devenir étranger à soi. Il s'agit là d'une formule heureuse permettant de comprendre la situation humaine consistant à ne plus être ce que l'on est sans avoir pourtant perdu son être.


Va vers toi !

Dans le récit biblique, l'homme n'est ni mauvais par nature ni maudit par Dieu. Il est devenu étranger à lui-même. D'où sa situation d'exil, ainsi que le rappelle Annick de Souzenelle dans l'Egypte intérieure ou les Dix Plaies de l'âme.

Face à une telle situation, il n'y a qu'un remède. Celui que donne Dieu à Abraham, quand il lui dit : "Va vers toi ! " Profonde parole. Il faut retrouver son être intérieur. Celui qui non seulement "est", mais qui est capable de devenir.